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A MOI QUI FUT TEMOIN DE LA REVOLUTION IRANIENNE, LA CHUTE DE BEN ALI ME RAPPELLE CELLE DU SHAH

QUAND JE VOIS LA TUNISIE, JE PENSE A L'IRAN

Même si elle couvait depuis longtemps et ne demandait qu'une étincelle pour enflammer la société (l'immolation par le feu du jeune tunisien, un nouveau Jan Palach a-t-on dit), la révolution du jasmin tunisienne n'aura duré que 23 jours pour contraindre au départ un dictateur régnant depuis 23 ans. Evidemment, elle n'est pas achevée et, comme il est normal, compte tenu du baroud d'honneur mené par les sbires de Ben Ali, les nouvelles institutions peinent à se mettre en place.

Nous espérons que le processus ne sera pas interrompu par des partis ou des groupements qui auraient en tête l'instauration d'un nouveau despotisme à leur profit. Contrairement à l'Iran du shah, il ne semble pas que les islamistes cantonnés à la portion congrue aient participé à un mouvement dont ils voudraient recueillir les fruits. Par ailleurs, ils n'ont point sur  place l'équivalent d'un charismatique Khomeiny apte à soulever les foules, et c'est tant mieux.

Evidemment, même s'il existe des différences notables, je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec la révolution islamique iranienne qui a sans doute mis fin définitivement au régime monarchique vieux de 2500 ans. J'ai eu la chance de me trouver sur place, par les hasards de la vie, il y a maintenant plus de 30 ans.

Mon séjour persan a duré pratiquement deux ans, très exactement du 4 octobre 1977 au 30 juin 1979 : j'ai donc asssisté à tous les événements majeurs de cette grande page d'histoire qui a bouleversé l'équilibre mondial. Ce furent pour moi les deux plus belles années de ma vie, car elles furent d'une intensité rare. J'ai vécu au contact de l'Histoire en train de se faire et ça ne s'oublie jamais, un peu comme ces résistants qui rejoignirent de Gaulle à Londres. Mais j'avoue que je fus surtout un spectateur passif, un peu  comme Fabrice del Dongo à Waterloo, passif certes mais toujours en éveil.

MON PREMIER CONTACT AVEC L'IRAN

Je me suis envolé pour Téhéran un 4 octobre 1977 pour ce qui allait devenir une des plus belles expériences de ma vie d'homme, mais je ne le savais pas encore. Je ne savais pas encore non plus que l'expérience iranienne marquerait ma vie à jamais. Ayant butiné le pollen il y a longtemps, prolongé cette opération apicole par des lectures au cours des années qui suivirent, ayant réfléchi sur celles-ci, j'en suis arrivé à pouvoir fournir un peu de miel sous la seule forme dont je sois capable, la traduction littéraire. Mais de ces projets d'homme de cabinet, je parlerai plus tard.

J'avais 25 ans, je n'avais jamais effectué de voyage au long cours, et d'un seul coup, me retrouver propulsé au Proche-Orient dans un pays mythique que je ne connaissais que par l'actualité "people" de la famille impériale (le mariage de Farah Diba, les festivités de Persépolis) et des souvenirs scolaires fanés (Darius, les Thermopyles, Salamine) me remplissait de beaucoup d'exaltation et d'un peu d'anxiété.

En tant que coopérant, j'allais rejoindre mon poste de lecteur de français à l'université Djundi Shapour d'Ahwaz : je n'allais que passer dans cette mégalopole laide, tentaculaire et polluée qu'est Téhéran, capitale de l'Iran depuis les Qadjars (1786-1925), nichée aux pieds de l'Elbourz. Je pris un avion d'Iran-Air pour rejoindre Ahwaz dans le Khouzestan, la province pétrolière du pays avec la grande raffinerie d'Abadan. Ahwaz, c'est la cité d'Ahura-Mazda des Sassanides avec ses autels du feu remplacés maintenant par ces hautes torchères au sommet desquelles se consume le gaz. La ville s'étale sur les deux rives du Karoun, que les Anciens nommaient Petit Tigre, le fleuve boueux qui se jette dans le Chatt el-Arab au niveau du port de Khoramchahr.

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