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C’est assez probablement une tuile pour Me Emmanuel Altit dont de précédentes requêtes ont connu un relatif succès auprès de la juge unique de la Chambre préliminaire 1.

C’est encore surtout une nouvelle lancinante pour Laurent Gbagbo, en détention à La Haye et qui espérait, peut-être, changer d’air. La juge Silvia Fernández de Gurmendi a rejeté la « requête de la Défense demandant la mise en liberté provisoire du président Gbagbo » et qui a été soumise à la Chambre préliminaire I le 1er mai 2012.

La décision du juge- dont nous avons pu nous procurer copie- a été mise en ligne sur le site officiel de Cour pénale internationale le 16 juillet dernier mais le texte lui-même est daté du 13 juillet. Il s’agit d’un document de 26 pages (original, en anglais) dont certaines parties ont été élaguées pour obtenir à la « version publique ». La juge Silvia Fernández de Gurmendi, au terme d’une démonstration ordonnée, conclut que « le maintien en détention apparaît nécessaire pour assurer la comparution de M. Gbagbo devant la Cour ».

Elle assure avoir pris note « des observations de la Défense » à savoir que depuis son arrivée à La Haye, Laurent Gbagbo a démontré son désir de « coopérer » et son « respect » vis-à-vis de la Cour ; de même que son « engagement » à comparaître devant la Chambre à tout moment,  mais la juge estime que « les assurances de M. Gbagbo ne sont pas en soi suffisantes pour accorder une mise en liberté provisoire » et qu’ils « sont compensés par des facteurs en faveur de son maintien en détention » (paragraphe 55). La juge argentine s’est fondée sur « la gravité des accusations portées contre M. Gbagbo, et la longue peine de prison qui peut en découler dans le cas d’une condamnation », arguant que cela pouvait « constituer une incitation pour lui pour prendre la fuite » (p.56). Laurent Gbagbo est soupçonné de crimes contre l’humanité en rapport avec les évènements post-électoraux dans son pays, la Côte d’Ivoire (décembre 2010-avril 2011).

La juge s’appuie encore sur le « passé » et le « présent » de l’ancien président et relève que « les contacts internationaux et des liens, la situation financière et des ressources, et la disponibilité de réseau et ressources financières nécessaires » sont des facteurs pertinents à l’établissement « de l'existence d'un risque de fuite ». L’ancien chef d’Etat semblerait « avoir des motivations politiques ainsi que les contacts politiques nécessaires et les fonds (pour) prendre la fuite ». La juge unique fait ici référence aux conclusions tirées précédemment par la Chambre préliminaire III et pense que celles-ci « continuent d’être valables à ce jour » (p.57).

 

Le Fpi cité

 

Elle a, dans un autre volet (p.59), trouvé « pertinente la présentation par le
Procureur, étayée par des preuves documentaires, que certains actifs appartenant à M. Gbagbo ou son épouse
(n’ont) peut-être pas été gelés à ce jour ». Au paragraphe 60 de sa décision, la juge unique énonce : «…plus important encore, il semble exister en Côte d'Ivoire un réseau vaste et bien organisée de sympathisants politiques de M. Gbagbo, comme cela a déjà été constaté (…) Il n'y a aucune indication que le réseau de soutien a cessé ses activités dans la période écoulée depuis la décision sur l'article 58 ». Silvia Fernández de Gurmendi parie, en se référant aux observations du Procureur de la Cpi, que la capacité du réseau de soutien à Laurent Gbagbo est établie d’autant que ce dernier a réussi à mobiliser « plus de 140.000 appels téléphoniques à la Cour au cours une courte période en Décembre 2011 ».

Le Front populaire ivoirien est cité dans la décision de la Chambre préliminaire I : « la juge unique considère avec un intérêt particulier le communiqué de presse publié le 25 février 2012 par le Comité central ordinaire du Front populaire ivoirien , parti politique de M. Gbagbo, dans lequel il est indiqué que "le Comité central prend note de l'importance de la période de Janvier à Juin 2012, au cours de laquelle la mobilisation et la vigilance doivent être renforcées afin d'obtenir la libération de Laurent Gbagbo, le retour pacifique des exilés, la liberté de tous les prisonniers et le rétablissement de la démocratie » (p. 61). Dans l’entendement de la juge unique, il y a un risque que Laurent Gbagbo utilise « les moyens que son réseau de soutien pourrait fournir en vue de prendre la fuite dans le cas où il lui est accordé la mise en liberté provisoire » (p.62). Mme de Gurmendi évoque la « vaste » connaissance par l’ancien chef d’Etat de certaines « sources » et pense qu’il pourrait « gêner » ou « mettre en danger » l’enquête, au cas où il était remis en liberté. A la défense qui, dans sa requête, relevait des raisons médicales et de santé, la juge unique a rappelé que la « procédure prévue à l'article 135 du Règlement a été déclenchée par la Défense et que les rapports d'experts qui suivent l'examen physique, psychologique et psychiatrique de M. Gbagbo sont attendus sous peu » (p.78).

La règle 135 du Règlement ne prévoit pas de mise en liberté provisoire ou conditionnelle « comme un remède pour une personne jugée inapte à subir son procès ». L'article 135 prévoit que, lorsqu'une Chambre est convaincue, sur un examen médical, que la personne est inapte à subir son procès, le recours juridique est l'ajournement de la procédure. Si la personne est jugée inapte à subir son procès, « l’affaire sera réexaminée tous les 120 jours à moins qu'il n'existe des raisons de faire autrement ».

Le 1er mai dernier, la défense dans l’affaire « Le Procureur c. Laurent Gbagbo » avait demandé « la mise en liberté provisoire de son client sur le territoire de  (le nom du pays est effacé dans la version publique, ndlr) ou à titre subsidiaire, la liberté conditionnelle sur le territoire de (…) ». La défense de l’ancien chef d’Etat demeure convaincue que son client pourrait améliorer ses conditions psychologiques et physiques en dehors de la prison, dans un environnement familial.

Copie de la décision de la juge argentine a été transmise à Me Emmanuel Altit ainsi qu’à Me Agathe Bahi Baroan, tous deux conseils de Laurent Gbagbo.

L’audience de confirmation des charges contre l’ex-président débutera le lundi 13 août à La Haye. Elle durera cinq (5) jours. L’enjeu de cette audience est de savoir si oui ou non il y aura un procès dans l’affaire « Le Procureur c. Laurent Gbagbo ».

 

 

 

Tag(s) : #Politique
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