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Interview

Dr Antoine Ahua Jr (Ex Conseiller de Koulibaly Mamadou, Pdt de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire)

‘‘Gbagbo est un cas narcissique qui relève de la psychanalyse’’

 

Le Dr Antoine Ahua Junior bien connu des Ivoiriens pour avoir été le Conseiller du Président Koulibaly Mamadou donne son sentiment sur la situation que vit son pays la Côte d’Ivoire et dit certaines vérités. L’homme connu pour son franc-parler n’y va pas avec le dos de la cuillère pour fustiger les refondateurs dont le chef de file Laurent Gbagbo campe toujours sur sa position de confisquer le pouvoir.

 

Dr Antoine Ahua Jr, le Gl Dogbo Blé (Garde Républicaine) affirme que "La Côte d'Ivoire n'est pas la terre de Choi, de l'Onu, de la Cedeao...". Quels commentaires pouvez-vous faire de cette déclaration?

Je connais personnellement le Général Dogbo. C’est un homme ouvert, sérieux et honnête. C’est peut-être pour cela que Laurent Gbagbo en a fait le Commandant de son Palais. Sauf qu’au-delà de l’homme même, il a accepté une mission de kamikaze qui consiste à être le dernier bouclier armé du Président qui l’a nommé. Tant que Gbagbo se prendra pour le Président de la République, vrai ou pas vrai, Dogbo reste en place pour le protéger. Dans les circonstances actuelles, ce n’est pas lui le problème, c’est Gbagbo. Cependant, en s’en prenant aux organisations internationales dans les termes nationalistes que vous venez d’évoquer, le Général Dogbo donne le climat qui règne au Palais. Ça sent la frustration, la colère, l’impuissance de devoir plier l’échine.    

Laurent Gbagbo affirme  " ils vont venir négocier avec nous" parlant du RHDP. Or pendant ce temps, il négocie son départ. Voudriez-vous donner votre sentiment?

 

 

 Dr AntoineAhua Junior, un homme de conviction et de parole

 

 

 

 

 

C’est facile pour moi de dire que j’avais prédit la présente situation. Pourtant, c’est la vérité. J’ai toujours pensé que Gbagbo préfèrerait être l’objet d’un coup d’État que de quitter le pouvoir par les urnes. La raison est que Gbagbo n’a pas la même notion de mérite du poste de Président que monsieur ou madame tout le monde. Pour lui, la présidence de la République est un aboutissement, une récompense à un fils du terroir devenu adulte et qu’on met sur le trône par amour ou par reconnaissance. Avec une telle vision de la chose publique, Gbagbo se considère comme l’homme du peuple, le natif du village. Bédié et surtout ADO sont donc pou lui des imposteurs qui veulent prendre sa place, par leur programme économique, leur compétence de gestionnaire, bref par des qualités autres que le sentiment d’appartenance qu’il ne reconnaît pas chez eux. C’est un cas narcissique qui relève de la psychanalyse. C’est dire que, pour répondre finalement à votre question, Gbagbo fait tout ce qui est de son possible, non pas pour garder le pouvoir, mais pour ne pas le céder à ADO. Et avec un brin de masochisme, espérer qu’on le fasse partir par une force étrangère. Juste pour avoir le sentiment confortable qu’on l’a arraché à son peuple, contre la volonté de son peuple. De cette façon, il pourra dire, «J’ai été victime de mon nationalisme, de mon amour excessif pour mon peuple qui ne m’a pas rejeté». Ainsi, partir par les urnes, c’est pour Gbagbo, l’équivalent d’un reniement populaire qu’il a du mal à réaliser. Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question mais, Gbagbo se plaît bien dans ce rôle où s’il part, on doit retenir de lui, le courage d’un Roi tombé au combat les armes à la main.


Pendant ce temps, le bicéphalisme au somment de l'État inquiète les travailleurs qui s'inquiètent pour leurs salaires. Que pouvez-vous nous en dire?

Il est évident que la Côte d’Ivoire est devenue un cas d’école. Un cas où, le droit du peuple et une institution de démocratie s’affrontent sur le terrain politique national avec pour arbitre un complexe de pays étrangers et d’organisations internationales à la recherche d’un droit d’ingérence humanitaire. Sauf que l’économie a horreur du temps improductif, c’est-à-dire du gel technique des activités sans perspectives claires. Le taux de chômage théorique est d’environ 45% en Côte d’Ivoire. C’est démentiel, d’autant plus que le taux de chômage réel qui est difficile à calculer chez nous, doit avoisiner les 75%. Les travailleurs s’inquiètent donc avec raison, car il n’est pas normal que la fin de la crise devienne artificiellement le début d’une autre crise. Vous parlez des travailleurs inquiets mais il faut aussi sympathiser avec les entreprises qui sont à bout de souffle. Jean Louis Billon en a parlé pour alerter les Autorités. Ça doit être intenable pour tout le monde, travailleurs, entreprises et consommateurs.  


Quel est votre sentiment personnel sur la situation actuelle qui prévaut en Côte d'Ivoire?

Il faut mettre fin à ce bras de fer ridicule. Gbagbo doit mettre son ego de côté et reconnaître sa défaite. Perdre une élection n’est pas une humiliation. C’est lui-même qui rend les circonstances de son départ honteuses pour ses proches, puisque le concernant comme je l’ai dit, il préfère céder seulement que par la force pour sauver certaines apparences. Tout ça est une comédie dont on pourrait se passer. Comme dit un proverbe persan, «on peut laver sa robe mais pas sa conscience». Tout le mal qu’il a fait le suivra où qu’il aille.


Les militants RHDP aussi s'impatientent et affirment que ça a trop duré. Et que cela suffit! Le Président élu est Alassane Ouattara. Pourquoi il n'enlève pas Gbagbo Laurent?

Vous savez, les militants apprécient le temps à l’échelle humaine. C’est normal. Mais malheureusement, l’histoire d’un pays s’écrit à une autre unité de temps. Toutefois, l’unanimité de la victoire de Dr ADO est telle que nous sommes tous témoins du fait que les évènements se succèdent rapidement. Je ne serai donc pas étonné qu’au moment où vous rendrez public cette interview, la communauté internationale ait déjà pris ses responsabilités. Car, je ne crois pas que le Président ADO seul puisse prendre l’initiative d’enlever Gbagbo de force. Il n’en a pas les moyens. Je pense que ce sont les Forces mandatées par l’ONU qui ont la responsabilité de cette tâche. Et elles le feront puisque les discours diplomatiques ne semblent pas émouvoir Laurent Gbagbo. Le PM Soro ayant dit qu’il prend service dans ses bureaux dès cette semaine, j’imagine qu’il parle en connaissance de cause. Je pense vraiment que la récréation est terminée.   

Quelle solution auriez-vous envisagée si vous étiez à la place du Président Alassane Ouattara?

J’avoue que je n’aurais pas eu la patience du Président Ouattara. Je suis plutôt du genre un peu expéditif. En voyant Gbagbo multiplier les gestes de vouloir s’incruster au pouvoir, je l’aurais mis hors d’état de me narguer et de gouverner. Avec intelligence bien entendu.

Votre dernier mot?

Je vous remercie de m’avoir offert cette occasion de m’exprimer sur la situation en Côte d’Ivoire. Votre journal Le Mandat fait partie de la liste des journaux que je lis quotidiennement. J’espère que les choses vont se normaliser dans les heures qui suivent pour que les Ivoiriens vivent enfin en paix. Personnellement, je souhaite pouvoir fêter Noël et le nouvel an dans mon pays après six ans et demi d’exil forcé.

 

 

Réalisée par

Gervais Djidji

 

 

Tag(s) : #Grandes Interviews