La Quatrième dimension

      LA QUATRIEME DIMENSION    (1)

« L’ordre mystique du paradis violent »  est un mouvement exclusivement réservé aux humains qui ont une connaissance parfaite de leur dernière réincarnation. Ces hommes et ces femmes savent effectivement d’où ils viennent, qui ont été leurs parents, leurs amis, leur époux, leur épouse, leurs enfants. Ou alors, de façon exceptionnelle, et selon votre aura, jugée convenable relativement à leur philosophie, vous êtes acceptés dans l’ordre, mais très tôt, vous êtes soumis à une sorte de scanner qui vous montre votre vie passée dans les moindres détails. « L’ordre mystique du paradis violent » a pour but essentiel d’amener l’homme à corriger ses fautes et les impairs commis dans sa vie passée, afin de le faire mériter le paradis, pour que son âme n’ait plus à se réincarner après sa transition. En d’autres termes, comme le dit, le Vénéré Maître « Lepitonsachan », « Il n’est pas normal que nous revenions dans la poussière, nous entrerons dans la présence éternelle pour devenir des anges au service de la poussière pour l’éduquer ». La loge principale de cet ordre est située sur une montagne, à sept cent mètres de la terre. Les fraters et les sorores s’y retrouvent une fois par mois. C’est le Vénéré Maître « Lepitonsachan » qui fixe le jour des réunions, et il est le seul à informer chaque membre de la confrérie. Soit, il vous apparaît au moment où vous prenez votre bain, ou quand vous êtes seule, en train de faire des emplettes dans un supermarché, soudain, il vous tapote dans le dos, et vous invite à la prochaine réunion. Les songes sont aussi les moyens dont il use pour faire savoir que, tel jour, il y a réunion. Aucun membre ne connait son habitation. Mais lui, il connaît chez tout le monde. Il n’a ni femme, ni enfant, ni voiture, ni téléphone. Il ne paye pas d’impôts, ne se rend jamais à l’hôpital, ne fait jamais la fête, ne fume pas, ne boit pas d’alcool. Il n’est déclaré sur aucun fichier officiel, en tout cas, pas à l’état civil. Depuis trente trois ans que l’ordre existe, il porte toujours un pantalon bleu marine, une chemise manche longue de couleur blanche, une paire de souliers noirs toujours bien cirés, et une écharpe verte claire au cou. Son crâne est toujours rasé, et il n’a pas de barbe. Ses grands yeux brillants, son nez pointu rappelant les premiers colons africains lui donnent un aspect assez singulier. Sa grande bouche aux lèvres adipeuses renfermant des dents blanches font penser à un personnage hors du commun. Il n’a aucun parent, aucun ami, ne rend pas de visite. Il a un teint de métis, mais ses bras et ses jambes sont aussi noirs qu’un digne sénégalais. A la fin des réunions à la loge de la montagne, chaque membre le salue, en levant le bras gauche, et en posant la main droite sur le cœur. Il reste le dernier, et quand il ferme la porte, la loge et lui disparaissent en même temps. D’aucuns  affirment que le Vénéré Maître « Lepitonsachan », étant couché dans son cercueil, au moment de sa mise en terre, a été visité par des entités venues de la presqu’île dans les environs du paradis, il y a trente trois ans. Elles l’ont investi d’une mission spéciale : « Ton corps ne connaîtra pas la désagrégation, à la seule condition que tu enseignes notre science aux humains… ». Et il sortit du cercueil avec les habits de quoi il fut habillé. C’est le même accoutrement qu’il arbore depuis lors. Ce soir, à vingt deux heures, il y a réunion à la loge de la montagne.

A suivre

Dos

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