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Laurent Dona Fologo en propagandiste de Laurent Gbagbo est encore moins crédible que lorsqu'il faisait le même boulot pour Félix Houphouët-Boigny ou Henri Konan Bédié (2/4)
En 1999, la Côte d'Ivoire est, déjà, en crise. L'élection présidentielle est prévue en octobre 2000 et Alassane Ouattara a, cette fois, annoncé sa candidature. Il est alors directeur général adjoint du FMI ; il va quitter son poste, à Washington, pour se réinstaller à Abidjan et se lancer dans la campagne présidentielle. Le débat sur « l'ivoirité », initié par le président Henri Konan Bédié, va prendre, du même coup, une ampleur démesurée. Le chef de l'Etat, dans un livre-entretien, va défendre des prises de position très fermes contre Ouattara. A Abidjan, celui-ci a trouvé un allié politique : Laurent Gbagbo. Le FPI et le RDR vont, face à Bédié, constituer un Front républicain.

La gestion de Bédié est mise en cause non seulement par les Ivoiriens mais également par les bailleurs de fonds internationaux. L'Union européenne met le doigt sur l'utilisation frauduleuse de 18 milliards de francs CFA. Les grèves et les manifestations se multiplient, la presse est mise au pas, des journalistes sont emprisonnés, l'image de la Côte d'Ivoire se dégrade, la crise économique va se doubler d'une crise sociale puis politique. Avec, en filigrane, la question de « l'ivoirité » qui empoisonne le moindre débat politique. A Abidjan, les autorités feront détruire les milliers d'exemplaires du magazine Africa Golfe Eco (numéro daté du 15 juillet 1999), édité à Paris, qui avait fait sa « une » sur « l'agonie du système Bédié » et des « révélations exclusives sur sa thèse de doctorat, les conditions de son accession au pouvoir, sa biographie, etc. ». La presse ivoirienne va mener une rude campagne contre Africa Golfe Eco - dont j'assure la responsabilité rédactionnelle - qui ne s'en remettra pas. Le mardi 5 octobre 1999, cependant, Fologo viendra jusqu'aux bureaux parisiens du magazine pour exprimer son désaccord avec la mesure prise par le gouvernement auquel il appartient. Il tiendra, ce jour-là, un discours modéré, conciliateur, jouant pleinement de son passé « journalistique » et des relations que nous avions pu nouer, sur le terrain ivoirien, une dizaine d'années plus tôt. Mais le journal ne baissera pas sa garde. Il continuera à dénoncer le « national-tribalisme » qu'est « l'ivoirité » et fera de nouvelles révélations sur les « communicateurs » au service de Bédié (Danièle Boni Claverie est alors ministre de la Communication ; elle est aujourd'hui ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfant dans le gouvernement Gbagbo).

Entre-temps, le dimanche 1er août 1999, Ouattara a été élu président du RDR. Dans la salle, il y a Balla Keïta, un des barons du PDCI, chantre de Félix Houphouët-Boigny, rallié à Bédié en 1994 pour des raisons plus alimentaires que politiques. Balla est comme Ouattara et Fologo un homme du « Grand Nord ». Il est demeuré au sein du PDCI, dont son père avait été un des militants historiques, mais est très critique vis-à-vis de « l'ivoirité » (« dérive droitière fasciste ») et Fologo (« On se connaît depuis longtemps. Nous avons fait des études ensemble. Au cours normal de Bouaké, il sait qui était le major. Il sait qui a eu le doctorat d'Etat entre nous deux et qui a échoué à la licence à l'université d'Abidjan »). L'irruption effective de Ouattara sur la scène politique ivoirienne va radicaliser les comportements.

Fologo sera à Paris les samedi 11 et dimanche 12 décembre 1999. Il y préside la Journée du militant organisée par la délégation générale du PDCI en France. Il y a dans la salle quelques personnalités parisiennes (mais aucun ambassadeur africain ne s'est déplacé à l'exception de Mariama Hima, la représentante du Niger) dont, notamment, Thierry Saussez, patron de Image et Stratégie qui gère une part du budget de communication de Bédié, et son plus proche collaborateur, François Blanchard, ainsi que l'inénarrable Jean-François Probst qui trouve aujourd'hui toutes les qualités à. Gbagbo (cf. LDD Côte d'Ivoire 0287/Vendredi 24 décembre 2010). Les responsables du PDCI vont cibler leurs critiques sur Ouattara « qui n'a été ivoirien que 36 mois, quand Houphouët l'a appelé au poste de premier ministre ». Fologo, lui, va enfoncer le clou, dénonçant un complot international contre la Côte d'Ivoire orchestré essentiellement par la France, les « faux papiers » de Ouattara (qu'il ne nomme jamais mais qualifie « d'ancien premier ministre du président Félix Houphouët-Boigny), sa fortune (« dont vous vous doutez de l'origine »), sa nationalité soit-disant burkinabè (« Il n'y a pas de honte à être burkinabè »), sa retour récent en Côte d'Ivoire (« Il est l'homme politique le moins connu du pays »), etc. Au total, un discours haineux d'autant plus étonnant, dans le fond comme dans la forme, que Fologo a été l'obligé de Ouattara, au plan politique comme au plan financier.
Deux semaines plus tard, Bédié est renversé par les militaires et va s'exiler en France. Fologo va passer un sale moment entre leurs mains. La transition « militaire » espérée par le FPI et le RDR n'aura pas lieu ; le général Robert Gueï va s'affirmer à la tête de l'Etat et se positionner comme candidat naturel à l'élection présidentielle prévue à l'automne 2000. Face à la politique menée par Guéï, le PDCI va risquer l'implosion lors de son congrès de mars 2000. Fologo en est toujours le secrétaire général et assume l'intérim de la présidence (le président en titre est Bédié). Mais sa position est fortement contestée. D'autant plus qu'il est mis en cause dans plusieurs affaires politiques (« l'affaire Vléï » : Fologo aurait fait corrompre un magistrat burkinabè pour qu'il délivre un certificat de nationalité burkinabè au nom de Ouattara) et financières (des comptes bancaires numérotés à la BIAO Investissements dirigée par le beau-frère de Bédié). En août 1999, le PDCI parvient, cependant, à se mettre d'accord sur le nom d'un candidat à la présidentielle. Ce n'est pas Bédié, ce n'est pas Guéï (« C'est une candidature parmi d'autres que nous examinerons » avait souligné alors Fologo), tous deux candidats à l'investiture du PDCI, mais Emile Constant Bombet dont la candidature sera invalidée, tout comme celle de Ouattara. Dans les rangs du PDCI, très rapidement, les vestes vont se retourner. Explication de Fologo : « Nous devons sauver notre parti qui n'a pas la culture de l'opposition. Nous devons demeurer dans le sillage du pouvoir pour mieux nous repositionner en vue des échéances ultérieures ». Finalement, le PDCI appellera au boycott de l'élection du 22 octobre 2000.

Gbgabo devenu, à l'automne 2000, président de la République dans les conditions « calamiteuses » que l'on sait, le PDCI va retrouver des raisons d'espérer. Guéï a été laminé, tout comme Ouattara. Le FPI est un parti minoritaire face au PDCI dont l'ancrage national est assuré depuis plus d'un demi-siècle. Les nouveaux « rénovateurs » du PDCI vont mener campagne contre le « général » (c'est ainsi que Fologo était dénommé au sein du parti). Leur leader, Noël Akossi Bendjo, a remporté les élections municipales dans la commune du Plateau, à Abidjan, en mars 2001. Son mot d'ordre est : « Il faut balayer Laurent Dona-Fologo et son équipe ». Fologo va durer encore un peu. A la tête du PDCI, il va développer une ligne « cohabitionniste » selon les uns, « collaborationniste » selon les autres. Il est vrai que l'ex-parti unique est le premier parti à l'Assemblée nationale (98 des 225 députés) et au plan communal (75 des 198 communes). Le PDCI est alors le seul parti qui, sur le terrain, peut faire barrage au RDR qui, pourtant, lorsqu'il n'est pas exclu des élections (c'était le cas pour la présidentielle), pratique le boycott (c'était le cas pour les législatives). Mais chacun sait le poids démographique et social qu'il représente potentiellement.



aurent Dona Fologo est parvenu à survivre, politiquement, au secrétariat général du PDCI pendant plus de dix ans. Nommé à ce poste sous Félix Houphouët-Boigny et Alassane Ouattara, en 1991, « sauvegardé » sous la présidence de Henri Konan Bédié, il passera le cap du coup d'Etat de 1999, de la transition du général Robert Guéï

Laurent Dona Fologo en propagandiste de Laurent Gbagbo est encore moins crédible que lorsqu'il faisait le même boulot pour Félix Houphouët-Boigny ou Henri Konan Bédié (3/4)

Laurent Dona Fologo est parvenu à survivre, politiquement, au secrétariat général du PDCI pendant plus de dix ans. Nommé à ce poste sous Félix Houphouët-Boigny et Alassane Ouattara, en 1991, « sauvegardé » sous la présidence de Henri Konan Bédié, il passera le cap du coup d'Etat de 1999, de la transition du général Robert Guéï et l'arrivée à la présidence de Laurent Gbagbo en octobre 2000. C'est au sein de son propre camp qu'il va se découvrir des ennemis. Des défections permettront à Guéï de fonder son propre parti : l'Union pour la démocratie et la paix en Côte d'Ivoire (UDPCI). Il y aura là Balla Keïta, personnalité historique de « l'houphouëtisme », un baron de l'ex-parti unique qui n'avait guère d'estime pour Fologo, son compatriote du « Grand Nord », et qui sera ainsi un des premiers PDCIstes à rejoindre le général putschiste ; il y avait aussi Paul Akoto Yao, Danielle Boni Claverie, Auguste Miremont, etc.
Le coup de grâce va lui être donné par. Bédié. L'ancien chef de l'Etat, en exil en France depuis 1999, va revenir en Côte d'Ivoire le 15 octobre 2001 afin de participer au Forum national de la réconciliation. Bédié affirmera avoir les mains propres. Plus qu'aucun autre. Le coup d'Etat lui a redonné une virginité toute neuve. Il en a été la seule victime. Il a été absent de l'échiquier politique ivoirien pendant près de deux ans et ces deux années très troubles n'ont, dira-t-il, « en rien apporté la résolution d'un problème qui a pourtant servi d'alibi pour commettre l'attentat contre l'Etat, la République, la démocratie et le développement ». Le seul qui a les mains sales, c'est Fologo. Il lui a fallu survivre au coup d'Etat militaire, à la « transition » de Guéï, à l'accession au pouvoir de Gbagbo. Il lui a fallu, face aux « rénovateurs » qui voulaient la peau de la « vieille garde du parti », mettre en cause la gestion de Bédié (président en titre) pour que la sienne ne soit pas prise en compte. Il lui a fallu aussi s'affirmer comme un homme lige du nouveau régime. Pour donner des gages à Gbagbo, il lui fallait être également intransigeant avec le RDR de Ouattara ; et plus encore Ouattara lui-même.
Fologo s'est vite pris au piège de ses contradictions. Il lui a fallu aller plus loin encore dans la rupture au sein de son propre parti. Le 1er mars 2002, il présentera son programme en vue d'accéder à la. présidence du PDCI face à Bédié. Il tentera alors d'expliquer pourquoi il soutient l'action de Gbagbo. Fologo ne voulait pas, disait-il, être dans le camp de « ceux qui veulent détruire la Côte d'Ivoire », son objectif étant « le redressement du pays en cette période de marasme économique et politique », soulignant que le coup d'Etat du 24 décembre 1999 avait des causes qu'il fallait bien prendre en compte. Autrement dit, tournons la page. Après Houphouët, Bédié, Guéï, était venu le temps de Gbagbo. Le funambulisme de Fologo n'a pas de limites. Il va obtenir la présidence du.. Conseil économique et social des mains de Gbagbo mais pas celle du PDCI que lui refuseront les adhérents. Lors du IXème congrès ordinaire du PDCI, du 4 au 7 avril 2002, Bédié va reconquérir son poste de poste et liquidera, du même coup, les barons nordistes (Fologo mais aussi Mohamed Lamine Fadika) usés par les compromis et les compromissions. Une page est tournée.
Fologo a eu 62 ans le 12 décembre 2002. Moins de trois mois après la tentative de coup de force militaire du 18-19 septembre. Une affaire qui va lui permettre de rebondir sur la scène politique : il va être, à Lomé (où Gnassingbé Eyadéma avait entrepris de mettre en place une médiation), l'interlocuteur des « mutins ». Si Gbagbo avait choisi, pour défendre son régime, un homme du « Grand Nord » qui n'était ni un élu du parti présidentiel ni un membre de son gouvernement, c'est qu'il entendait n'être lié en rien par la négociation qui aura lieu dans la capitale togolaise. Cette négociation, dont Gbagbo n'attendait rien, ne visait qu'à satisfaire ses pairs de la Cédéao et la « communauté internationale ». Il espérait, pendant cette trève, reconstruire avec l'aide de partenaires extérieurs une armée « loyaliste » qui soit à même de combattre les « mutins ». Le mandat de Fologo était explicite : il portait exclusivement sur les revendications corporatistes de ces « mutins » : amnistie et réintégration dans les forces armées ivoiriennes. Rien de plus. Pas question d'aborder la dimension politique : il ne sera pas accepté de remise en cause de la Constitution et ni de proposition d'une nouvelle élection. Gbagbo entendait affirmer pleinement sa légitimité. Et plus encore sa ligne politique. Il ne cessera, dans le même temps, de laisser la bride sur le cou à la fraction la plus radicale du FPI organisée au sein des Jeunes Patriotes.
En avril 2003, pensant avoir un avenir présidentiel, Fologo va lancer (officieusement) son Rassemblement pour la paix (RPP). Ayant été l'homme lige de tous les leaders politiques ivoiriens, originaire du « Grand Nord » mais catholique pratiquant marié à une Française, il estimait être le plus consensuel. Il adoptera même, pour ses costumes, le bleu qu'affectionnait Félix Houphouët-Boigny. Il ira jusqu'à organiser une « manifestation de brassage » visant au « métissage de la population » affirmant qu'il faut parler d'intégration plutôt que d'immigration. Dans cette perspective, il fera une tournée en France, rencontrant un grand nombre de personnalités françaises (Edouard Balladur, Michel de Bonnecorse, Nathalie Delapalme, Robert Menard, Jean-Paul Cluzel.). Il me donnera rendez-vous au bar du Lutétia à Paris ; ce qui ne manquera pas de m'étonner compte tenu des tensions qui existaient entre nous depuis « l'affaire Africa Golfe Eco ». De Bédié, il me dira : « Il ne méritait pas qu'on le soutienne. Il n'est pas travailleur. Il n'est pas rassembleur. C'est un égoïste. J'ai coupé les ponts avec lui dès lors qu'il a été élu président du PDCI ». Il oubliait sans doute qu'en 1970, quand il était rédacteur en chef de Fraternité-Matin, il avait proclamé que Bédié « était la meilleur copie de Félix Houphouët-Boigny ». Il le redira en 1992 lors d'un meeting politique à Dimbokro et le réaffirmera dans le quotidien sénégalais Le Soleil (édition du lundi 13 décembre 1993). Mais il est vrai que Bédié était dans les années 1970 l'enfant chéri de Houphouët et dans les années 1990 le successeur désigné. Au sujet de Ouattara, Fologo me dira : « J'ai tenu à le féliciter en août 2002 lorsque le gouvernement d'ouverture a été formé. Mais il ne m'a rien dit de ce qui se préparait alors [il s'agit bien sûr du coup de force du 18-19 septembre 2002]. Il ne pouvait pas ne pas être au courant ». Il ajoutera : « Je ne sais pas s'il est fondamentalement convaincu par son engagement politique mais, en 1992, il visait déjà la présidence de la République avec l'aide de Philippe Yacé. Il me l'avait confié alors ». J'invite Fologo à relire ses déclarations au quotidien Le Soleil (cf. supra). Interrogé sur la « crise de succession » consécutive à la mort du « Vieux », à aucun moment Fologo ne mettait en cause Ouattara ; et de Yacé, il disait même : « Il a pu penser à un moment donné que la transition aurait posé des difficultés et peut-être a-t-il voulu jouer les bons offices et les rassembleurs en sa qualité de doyen. C'est ainsi que j'interprète quelques unes de ses initiatives ». Dans le même texte, interrogé sur la nomination par Bédié, au poste de premier ministre, de Daniel Kablan Duncan, ancien ministre de l'Economie et des Finances de Ouattara (et une réelle « création » politique de Ouattara), Fologo dira : « Je salue ce choix, car il témoigne de la volonté de continuité du gouvernement du PDCI. Nous ne voulons pas de rupture » (je rappelle que le précédent gouvernement était dirigé par Ouattara).
Laurent Dona Fologo en propagandiste de Laurent Gbagbo est encore moins crédible que lorsqu'il faisait le même boulot pour Félix Houphouët-Boigny ou Henri Konan Bédié (4/4)


En 2003, lors de notre rencontre à Paris, je voulais savoir pourquoi, après avoir servi Félix Houphouët-Boigny et Henri Konan Bédié et être redevable à Alassane Ouattara d'une évolution notable de sa carrière politique, Laurent Dona Fologo s'était pris d'une passion subite pour Laurent Gbagbo. « C'est, me dira-t-il, qu'il est dépositaire de l'ouvre réalisée par Félix Houphouët-Boigny et qu'il faut l'aider à sauvegarder cette oeuvre ». Fologo affirmait alors être toujours membre du PDCI (« mais je n'y ai pas de responsabilités ») et n'avoir pas rejoint le FPI. Il n'affichait pas de sympathie pour le chef de l'Etat, mais prenait sa défense dès lors que j'évoquais la situation de la Côte d'Ivoire : « Gbagbo subit les événements ; il ne les impulse pas ». Pour Fologo, pas de doute, les Burkinabè étaient « impliqués » dans l'affaire du 18-19 septembre 2002. Et si Balla Keïta (qui avait des relations exécrables avec Fologo) avait été exécuté, quelques semaines avant ces événements, à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, c'est « parce qu'il savait trop de choses et se répandait en propos revanchards au téléphone ». C'est alors que les « rebelles » auraient décidé son « exécution ». Des « rebelles » au sein desquels deux tendances politiques s'affirmaient : une tendance Robert Guéï et une tendance Alassane Ouattara, m'expliquera Fologo : « Mais chacun pensait rouler pour son propre camp ».

Ce mardi 1er juillet 2003, au bar du Lutétia, Fologo me dira que « Gbagbo s'arme non pas pour affronter les rebelles mais pour les dissuader de relancer le conflit. Gbagbo a été élu président de la République : il n'a pas été renversé. Il sait que la solution à la crise est politique et non pas militaire. Si la paix revient, c'est Gbagbo qui, à nouveau, gouvernera, car c'est lui le chef de l'Etat. Par deux fois, par l'action des rebelles puis à Marcoussis, il a bien failli perdre le pouvoir, mais il est parvenu à sauver l'essentiel. Certes, avec plus de 4.000 militaires en Côte d'Ivoire, la pression de la France est forte, mais cette pression ne s'exerce, en fait, sur personne ». Il jugeait cependant que la situation était délicate. Le gouvernement de transition comprenait « de trop nombreux ministres dont beaucoup ne sont pas compétents » et les Jeunes Patriotes « jouent un jeu difficile à contrôler car ils n'ont pas d'ambitions pour la Côte d'Ivoire » ; mais, à aucune moment, me dira-t-il, ils ne parviennent à « déborder » Gbagbo. Ce que ne concevait pas Fologo, par contre, et qu'il reprochait à la France, c'était l'accession de leaders « rebelles » à des postes gouvernementaux à la suite de Marcoussis. Il le ressentait comme une injustice. « Soro est ministre d'Etat. En Côte d'Ivoire, cela a une signification [Fologo a été ministre d'Etat de 1993 à 1999]. Or, il a du sang sur les mains. Il sera impossible à la France de convaincre 85 % de la population ivoirienne que des jeunes tels que Soro les gouvernent alors qu'ils ont tué et mutilé ». Il mettait d'ailleurs dans le même sac les « rebelles » et les Jeunes Patriotes dont les leaders appartiennent « à la même promotion et ont milité dans le même syndicat étudiant même s'ils sont aujourd'hui dans des camps opposés » et ajoutait un élément personnel à sa réflexion : « Je ne peux même plus me rendre chez moi dans le Nord où sont mes plantations, mes tracteurs, etc. alors que les rebelles viennent se pavaner à Abidjan ».
Fologo n'a pas toujours été dans cette « proximité » anachronique avec Gbagbo. Le Nouvel Horizon, le journal du FPI, n'a cessé, quand il était dans l'opposition, de stigmatiser le comportement de celui qu'il qualifiait de « dribbleur » (référence au qualificatif de « Garrincha » attribué à Houphouët, Garrincha étant un footballeur brésilien des années 1960 réputé pour ses « dribbles invraisemblables »). Marie-Chantal Ozoua, dans Le Nouvel Horizon du 20 décembre 1993, au lendemain de l'accession au pouvoir de Bédié, dénonçait la vision « Etat-Parti » de celui qui, secrétaire général du PDCI, avait exigé un titre de ministre d'Etat. « Il faut le dire, écrivait Marie-Chantal, depuis qu'il a été sorti du gouvernement Houphouët-Boigny [en 1989], malgré sa nomination à la tête du PDCI [en 1991], Fologo était malade. Malade d'être relégué au second plan. Malade des honneurs et des parades ministérielles qui lui manquaient, malade de ne pas pouvoir pérorer sur les médias d'Etat. Aigri, il dissimulait mal ses meurtrissures. Et, aujourd'hui, dès sa nomination, il a vite fait de se regarder à travers la télévision et de s'écouter à la radio ». C'est là un superbe résumé de la.. superbe qu'affecte Fologo !

La longévité de Fologo s'explique par sa capacité à, n'étant pas politiquement grand-chose (rien d'autre qu'un griot), laisser croire à ses interlocuteurs qu'il est incontournable du fait de sa. longévité. Fologo, dont les engagements sont à géométrie variable, a également une réelle capacité à réécrire l'Histoire. Ainsi quand il évoque son « cri d'alarme du mercredi 20 septembre 2002 [au lendemain de la tentative de coup d'Etat] où j'ai appelé au sursaut national [.] Les jeunes, les vieux, les femmes ont tous répondu présent pour sauver la Côte d'Ivoire. Je peux dire qu'à partir de ce moment-là, le CES [le Conseil économique et social dont il est le président depuis 2001] s'est transformé en un haut lieu de la résistance ». Son organisation, le RPP, lancée « officieusement » le 30 avril 2003 puis « officiellement » le 20 mars 2004, était « à la veille », disait-il en septembre 2007, « de devenir un parti politique national [.], un grand parti » ; « Il y a cent partis politiques en Côte d'Ivoire, mais en réalité il n'y en a que trois ou quatre. Le RPP a été créé pour être 2ème ou 3ème. Pas 101ème » (Sidwaya, mardi 28 août 2007). Qui sait, trois ans plus tard, ce qu'est le RPP ?. « L'accord de Ouagadougou » (« Les précédents accords ont capoté parce que ce sont les autres qui décidaient pour nous ») ; l'accession de Nicolas Sarkozy à l'Elysée alors que son prédécesseur, Jacques Chirac, avait fait du « problème [ivoirien] une question presque personnelle ». la liste est longue des circonvolutions qui ont transformé Fologo en « derviche tourneur ». Il suffit de quelques breloques de temps en temps (il fallait voir l'ampleur avec laquelle il a célébré le 7 août 2008 sa grand-croix dans l'Ordre national) pour qu'il se mette en branle, instrumentalisant les « années Houphouët » (« Personnellement, je revendique la qualité de disciple politique de Félix Houphouët-Boigny. C'est mon père spirituel ») pour justifier, hier les « années Bédié », aujourd'hui les « années Gbagbo ». Petit clin d'oil de l'Histoire pour juger de la qualité des analyses politiques de Fologo. Fin janvier 2004, Fologo, président du CES, se rend à Tunis pour y rencontrer son homologue. Visite de travail alors qu'il espérait, disait-on, une visite « présidentielle ». Manque de chance : Abdallah Kaabi, le président du CES tunisien, vient d'être promu ministre des Sports. Fologo ne rencontrera que son successeur, espérant cependant être reçu par le chef de l'Etat. Vaine espérance. A Tunis, Fologo n'est rien. Même s'il aime à louer « le génie personnel » de Ben Ali !

Long aperçu de celui qui « connaît bien le président sortant Laurent Gbagbo et celui reconnu par la communauté internationale, Alassane Ouattara » et auquel Le Monde a pensé qu'il devait donner la parole pour qu'il nous explique ce qu'il n'a jamais compris. Je m'insurge : le griot peut être tout autant responsable que celui qu'il « griotte » ; et le président du CES, quatrième personnage du régime, pourrait monter dans la charrette des 85 personnalités sanctionnées par l'Union européenne. Sauf à penser, ce qui n'est pas le cas du quotidien Le Monde, que Fologo serait une personnalité sans importance. Rien d'autre qu'une girouette ou un Kleenex. L'une tourne au gré des vents ; l'autre, on le jette sans considération après usage.
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