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Il y a deux ans, par mon amie Varda avec qui nous marchons quelques heures les sabbats matins pour nous "tenir en forme", j’ai fait la connaissance de Monika, jeune Polonaise, qui bénéficiait alors d’une bourse de Yad VaShem de 8 mois, afin de travailler à sa thèse sur les Juifs de Pologne. Avec Arthur son ami, nous nous sommes souvent retrouvés au cours de ces 8 mois pour marcher ou manger ensemble.
Lorsque j’ai demandé à Monika ce qui l’avait amenée à choisir ce sujet de thèse elle m’a dit : "A l’école je n’ai pas entendu parler des Juifs, personne ne m’a rien dit sur eux, mais lorsque j’ai lu des livres à l’université, j’ai compris qu’ils avaient été partie intégrale du passé de ma Pologne, et qu’ils avaient vécus dans ma ville de Lodz (Prononcer Woudch !) et dans d’autres lieux que je connaissais. J’ai pensé que quelqu’un devait se rappeler d’eux en étudiant leur littérature, leur langage et leur histoire". Et c’est ainsi que Monika a appris le Yiddish et en a fait son sujet de thèse.

Première semaine : vacances

Pour remercier ceux qui l’avaient accueillie, elle et son ami Arthur en Israël, elle a eu l’idée d’inviter à une semaine de marche dans les montagnes de Karkonosze, à la frontière tchèque, ses amis. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés cinq Israéliens et trois Polonais pour ces huit jours. Avec Varda nous atterrissons à Varsovie où Magda nous accueille ainsi que Mirka la cousine de Varda. Magda a préparé tout le côté matériel (logement, auto) de notre seconde semaine, car pour Varda c’est un peu un "pèlerinage" sur des lieux familiaux. Nous partons pour la montagne et Magda nous arrête dans un restaurant typique, avec au choix les innombrables soupes et les Pyérogis (petits chaussons fourrés de sucré ou salé). Dès la sortie de Varsovie nous faisons connaissance avec les routes de Pologne, étroites et sans bas-côtés et nous apprenons de suite l’étonnement des Polonais, lorsque lors de la réunification de l’Allemagne, ils ont appris que le budget voté par l’Allemagne de l’ouest pour la réfection des routes de l’Allemagne de l’est équivalait au budget total annuel pour toute la Pologne ! Nous continuons vers Milkow, petit village proche de la ville de Karpacz (Karpach) dans la basse Silésie, qui faisait partie de l’Allemagne jusqu’en 1945 et dont les habitants sont partis entre 1945 et 1947, remplacés par les Polonais déplacés de la partie est de la Pologne, donnée à la Russie en 1945. Ceci peut nous faire sentir déjà toute la complexité de l’histoire de la Pologne que j’ai lue les soirs de "marche". J’ai plaint les petits Polonais qui doivent apprendre tous ces changements, de frontières, de disparition, de soumission, de résurrection de leur pays au cours des siècles !

Nous arrivons donc le soir où nous retrouvons Asher et Pnina venus via Prague et Monika et Arthur arrivés en train de Varsovie. Dans la maison, la bonne humeur est de mise, Asher et moi étant les seuls à ne pas parler Polonais et aussi les plus âgés, nous en profiterons parfois pour nous reposer après les longues marches : premier jour, cinq heures pour la "mise en jambe", puis en Tchécoslovaquie, une belle promenade de huit heures avec des forêts d’épineux superbes, des rochers, des cours d’eau, tout ceci bien programmé par Monika pour monter aux 1 602 mètres du Snezka Sniezka juste sur la frontière. Le lendemain, ce sera avec le télésiège, une bonne heure de montée à pieds, et 6 ou 7 heures de descente.

Puis une journée est consacrée à la visite de la ville où Pnina a grandi, et c’est avec son ancienne copine de classe que nous faisons la visite. Le nom est un peu trop polonais pour que je m’en souvienne ! C’est son amie qui lui indique où était exactement sa maison, car il y a eu bien des changements depuis.
La première semaine passée, nous reprenons la route pour Varsovie. Asher et Pnina regagnent Prague et Monika et Arthur prennent le train. Magda tient à nous faire visiter un des plus imposants châteaux de Pologne dont l’origine remonte au Moyen-âge : le château de Ksiaz, et nous faisons un petit tour dans la vieille ville de Wroclaw (Breslau).

Et nous arrivons à la ville de Varsovie

Monica et Arthur ayant voyagé de nuit, nous avons rendez-vous à 10 heures sur la grande place Sigismund III le cœur de la vieille ville. Varda et moi logeons chez des amis de Magda partis en vacances et, munies d’une carte nous décidons de visiter le parc Tazienkowski plus au sud où un bus nous emmène. Il abrite le palais et les bains royaux, le lac, un musée, et un restaurant si chic qu’on nous offrira gratuitement 2 bouteilles de soda (au vu de notre habillement très simple, le serveur n’a pas osé nous en dire le prix !). Des paons viennent pavaner devant nous et de nombreux écureuils roux souvent assez effrontés, se dressent en espérant quelque noisette.

Le bus nous amène sur la place et nous retrouvons nos guides aux pieds de la colonne de 22 mètres surplombée de Sigismund III, le roi qui a transféré la capitale de Cracovie à Varsovie en 1596. La vieille ville est l’incontournable joyau, lieu pittoresque aux ruelles étroites. Complètement détruite pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a été reconstruite à l’identique en 15 ans, ce qui lui a valu son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ses ouvriers se sont ainsi fait connaître dans le monde entier par ce travail. La place est bordée de maisons bourgeoises aux façades multicolores et décorées de fresques, inspirées de tableaux de Canaletto. Le château royal, rasé sur ordre d’Hitler, a lui aussi été reconstruit, mais nous ne visiterons pas l’intérieur qui parait-t-il n’a rien à envier à Versailles. Arthur nous fait entrer dans la cathédrale où sont enterrés dans la crypte de nombreux hommes importants du pays : présidents de l’Etat, écrivains, politiciens. Je préviens mon guide que je ne retiendrai pas tous ces noms mais cela me permet de sentir l’attachement et la fierté des Polonais à leur pays, après tous ces siècles de luttes et de malheurs. Je réalise qu’ils ne sont en démocratie que depuis 1989, autrement dit 21 ans ! Après un petit arrêt obligé pour les pierogies, nous empruntons la Voie Royale, avec les plus importants édifices historiques : l’Université, le Palais du Président dont toute la chaussée est encore noire des milliers de bougies allumées lors du crash de l’avion présidentiel quelques semaines auparavant. La statue de Copernic est là, il était bien Polonais, même si les nazis une nuit avaient enlevé la plaque pour en mettre une autre disant qu’il était Allemand. Elle n’est restée en place que quelques heures ! Dans un autre quartier, Arthur nous montre le "Palais de la Culture et de la Science", "cadeau" de la Russie laissé à la Pologne qui a hésité à le détruire après leur départ, mais qui a été finalement laissé sur place par "respect pour l’Histoire". C’est un de ces immenses bâtiments en forme de gâteau à la crème, typiques à Moscou. En déambulant dans la ville nous voyons trois influences principales dans les constructions : celles de la Seconde guerre mondiale, des 40 années de communisme et des 20 années de démocratie, les monuments historiques reconstruits à l’identique après la guerre voisinent avec les tours et les blocs en béton gris, ainsi que les tours de verre ultra modernes et les bâtiments d’habitation simples et colorés.

Visite du ghetto

Le deuxième jour Monika nous entraîne sur les "traces" du ghetto juif, période noire pour Varsovie qui était avant la guerre le centre de la vie et de la culture juive en Pologne. 25% de la population était juive. A plusieurs reprises Monika nous arrête sur le trottoir où sont placées des plaques en cuivre signifiant l’emplacement des 18 km de mur qu’avaient fait construire les nazis autour du ghetto. Seuls 5 mètres de ce mur de 3 mètres de haut sont gardés comme monument. Sur le mur du bâtiment proche, il y a chaque fois une plaque explicative. Nous passons dans la cour de l’orphelinat d’où sont partis les enfants accompagnés de Korjack pour Treblinka, puis les rails du tramway réservé aux Juifs, le passage traversant les bâtiments du tribunal et par lequel plusieurs Juifs ont parfois réussi à s’échapper, un grand immeuble en brique moitié habité moitié abandonné et où ont été apposées de grandes reproductions de visages de Juifs sur les fenêtres béantes. Deux des quatre églises situées dans le ghetto ont été restaurées ainsi qu’une petite synagogue située derrière des immeubles et que les nazis n’avaient pas repérée. Puis nous nous arrêtons devant un bâtiment de 6 étages, c’était de là que les soldats nazis surveillaient le "pont" construit au dessus d’une avenue. Cette avenue coupait le ghetto en deux et seuls les Allemands et les Polonais avaient le droit d’y circuler. La construction de ce pont en bois permettait le passage d’un côté à l’autre du ghetto. Face à ce bâtiment, une modeste peinture reproduit le pont, dessinée par un habitant qui tient le café du rez -de-chaussée.

Puis nous arrivons au monument de Natan Rapopport et Léon Marek Suzin inauguré en 1948. Haut de 11 mètres, en bronze, il a été construit à sa base avec des matériaux qui devaient servir à l’érection d’un monument à la gloire d’Hitler ! Au centre il représente un jeune homme identifié à Mordechaï Anielewicz. Ce jeune homme était le commandant d’un groupe de Juifs qui se révoltèrent. Ils construisirent des bunkers et tinrent tête aux nazis à partir du 19 avril 1943 soir de la Pâque juive et le 8 mai, Mordechaï et ses amis furent tués. Le 16 mai les Allemands rasèrent la grande synagogue pour symboliser leur victoire.

La "Route du souvenir" constituée de 19 blocs de roche noire, suit un parcours qui commence au monument de Rapopport et aboutit à la place de transbordement (l’Umschlagplatz) pour le camp d’extermination de Treblinka. Construite en 1988 pour le 45ème anniversaire du soulèvement du ghetto, chaque pierre est consacrée à l’un des héros du ghetto. Les noms et dates sont gravés sur le côté et sur la surface on peut lire une description succincte du rôle personnel de chacun. La situation du bunker est signalisée par un monticule avec une pierre où est écrit le nom de M. Anielewitch et une pierre noire en forme de pyramide porte les noms des jeunes combattants.

Avec Monika nous arrivons à l’endroit de la gare de triage, c’est l’Umschlagplatz. A la place des rails, rien. Le mausolée est consacré aux groupes innombrables de Juifs, embarqués vers le camp de la mort de Treblinka (8 000 pour chaque départ). Inauguré en 1988, le monument est un grand rectangle, sans toit, dont les murs en marbre blanc ligné de noir, portent des inscriptions en hébreu, yiddish, polonais, anglais et 350 noms comme dispersés par le vent. Un groupe d’Israéliens nous y a précédés. De l’autre côté de la rue, Monika nous montre le bâtiment où les 8 000 préposés au prochain départ attendaient leur tour. Aujourd’hui c’est un petit hôpital.

Le ghetto de Varsovie a été le plus important de la seconde Guerre Mondiale. Situé en plein centre de la ville, il a été créé le 12 octobre 1939 et détruit en mai 1943 après l’insurrection de ses occupants le 19 avril 1943. Varsovie com-prenait 1 300 000 habitants dont 380 000Juifs, mais au cours de cette période, de nombreux Juifs d’autres pays y ont été amenés avant de subir le même sort. Dès l’été 1942 il a été l’antichambre des camps de la mort.

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