Le Burkina Faso affirme avoir mis au jour un vaste réseau d’espionnage opéré sous couvert humanitaire. L’ONG internationale INSO, chargée de la sécurité des acteurs humanitaires, est accusée d’avoir collecté illégalement des informations sensibles sur les forces burkinabè. Une affaire qui secoue le monde des ONG et soulève de lourdes questions sur les limites de l’aide internationale.
Le gouvernement burkinabè ne mâche pas ses mots. Selon le ministre de la Sécurité, Mahamadou Sana, les services de renseignement ont démantelé un « réseau d’espionnage dirigé par une ONG étrangère », accusé d’avoir infiltré des informations militaires confidentielles. En ligne de mire : l’International NGO Safety Organisation (INSO), une structure néerlandaise réputée pour ses dispositifs de suivi sécuritaire dans les zones à risque.
Les autorités affirment que l’ONG collectait, sans autorisation, des données stratégiques : mouvements de troupes, convois de l’armée, positions GPS des forces de défense et de sécurité (FDS) ainsi que des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP).
« Ces informations pouvaient servir à des puissances étrangères ou à des groupes armés », soutient une source sécuritaire citée par l’Agence d’Information du Burkina (AIB).
Des arrestations et une suspension immédiate
L’affaire a éclaté début octobre. Le directeur pays d’INSO, le Français Jean-Christophe Pégon, ainsi que plusieurs collaborateurs — tchèque, franco-sénégalais, malien et burkinabè — ont été interpellés.
Les autorités ont aussitôt suspendu l’ONG pour trois mois, accusant ses dirigeants d’avoir détourné leur mandat humanitaire à des fins obscures. Les locaux ont été perquisitionnés et du matériel informatique saisi.
Entre aveux partiels et flou diplomatique
Selon les premiers éléments de l’enquête, certains employés auraient reconnu avoir collecté des données sur les incidents sécuritaires pour alimenter des rapports destinés aux bailleurs de fonds. Mais aucun élément ne prouve pour l’instant une utilisation « hostile » de ces informations.
INSO, de son côté, garde le silence. L’organisation assure seulement être en contact avec les autorités et réclame le respect des droits de son personnel.
Une affaire à haute tension politique
Cette affaire intervient dans un contexte de méfiance croissante envers les ONG occidentales au Burkina Faso, où la junte au pouvoir accuse régulièrement certaines d’ingérence ou de double jeu. Plusieurs organisations humanitaires ont déjà vu leurs activités restreintes ces derniers mois.
Pour nombre d’observateurs, le dossier INSO illustre la fracture grandissante entre les autorités burkinabè et certains acteurs internationaux présents sur le terrain.
Une question brûlante : jusqu’où vont les ONG ?
Au-delà du cas INSO, ce scandale relance un vieux débat : où s’arrête l’action humanitaire et où commence l’ingérence ?
Dans un pays en guerre contre le terrorisme, où la communication officielle est verrouillée, l’accès à l’information devient une ligne rouge. Toute structure collectant des données sensibles court le risque d’être accusée d’espionnage.
Le gouvernement promet de poursuivre les investigations « jusqu’à leurs dernières conséquences ».
Quant à INSO, son avenir au Burkina reste suspendu à une vérité encore à établir : simple dérive administrative ou véritable réseau d’espionnage ?
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