L’Organisation des Nations Unies traverse une crise financière sans précédent. Retards de paiement, gel des recrutements, coupes budgétaires… L’institution censée incarner la solidarité mondiale ploie sous les dettes de ses propres membres.
Des millions d’humains dépendent chaque jour des programmes de l’ONU. Pourtant, l’organisation est aujourd’hui étranglée par une crise de liquidité qui menace son fonctionnement. En clair, l’ONU manque de cash. Ses comptes sont presque à sec, et ses missions risquent d’en payer le prix fort.
2,4 milliards de dollars d’arriérés
Selon les chiffres officiels publiés à Genève, plus de 2,4 milliards de dollars manquent à l’appel pour le budget régulier, auxquels s’ajoutent 2,7 milliards dus aux opérations de maintien de la paix. Les plus mauvais payeurs ? Les grandes puissances elles-mêmes. Les États-Unis, principal contributeur, doivent à eux seuls près de 2,8 milliards de dollars. D’autres pays, dont la Chine, traînent aussi les pieds.
Une ONU à l’arrêt
Conséquence directe : le Secrétariat général a gelé les embauches, réduit les dépenses, et envisagé jusqu’à 20 % de coupes budgétaires. Certaines missions sur le terrain tournent au ralenti, faute de fonds. Des projets humanitaires ou de développement sont reportés, parfois annulés.
« On ne peut pas faire la paix ou lutter contre la pauvreté sans argent », a résumé António Guterres, le secrétaire général, visiblement exaspéré par l’inertie des États membres.
Le paradoxe du multilatéralisme
L’ONU vit d’un paradoxe cruel : elle incarne la coopération mondiale, mais dépend du bon vouloir financier de ceux-là mêmes qui la critiquent. Ses règles budgétaires, rigides, imposent de restituer les fonds non dépensés en fin d’année. Résultat : impossible de constituer une véritable réserve de trésorerie.
Les réformes proposées — autoriser la conservation de ces fonds ou créer un mécanisme d’urgence — restent à l’étude. En attendant, les fonctionnaires doivent « faire plus avec moins ».
Une institution fragilisée
Derrière les chiffres, c’est la crédibilité de l’ONU qui vacille. Comment prêcher la solidarité mondiale quand ses propres membres oublient de payer leurs cotisations ?
Cette crise de liquidité révèle aussi la dépendance du système multilatéral à quelques grands bailleurs. Si ceux-ci tardent ou rechignent, tout vacille : les casques bleus, les programmes alimentaires, les missions d’observation électorale, la diplomatie préventive.
Et maintenant ?
Sans un sursaut collectif, l’ONU pourrait bientôt se retrouver incapable d’assurer ses mandats les plus essentiels. António Guterres a lancé un appel ferme : « Chaque État doit payer sa part, intégralement et à temps. » Un rappel simple, presque banal, mais vital. Car une ONU sans moyens, c’est un monde livré à lui-même.
Dr Yobouet Konan
(Sources : Comité budgétaire de l’Assemblée générale de l’ONU, rapport financier 2025 (New York & Genève).
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