Côte d’Ivoire
Pourquoi Obama met la pression
Alors que le département d’Etat a déconseillé aux citoyens américains de se déplacer en Côte d’Ivoire, tout en procédant au rapatriement du personnel non essentiel de son ambassade à Abidjan, les Etats-Unis accentuent leur pression sur le pouvoir de Laurent Gbagbo, président considéré comme illégitime par la communauté internationale. A Washington, une cellule spéciale a été installée par la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, pour suivre l’évolution de la situation dans le pays. Nommé l’an dernier à Abidjan, l’ambassadeur Phillip Carter III est ‘’débriefé’’ heure par heure, et téléphone régulièrement à son homologue français, Jean Marc Simon. Le Président Barack Obama, relayé par Johnnie Carson, le sous-secrétaire d’Etat aux Affaires africaines, a été le premier à condamner le coup de force constitutionnel du président sortant. Les Etats-Unis veulent que Gbagbo quitte le pouvoir, tout en évitant une implosion du pays. Celle-ci pourrait compromettre leurs initiatives pour faire de la Côte d’Ivoire l’une des pièces maîtresses – aussi bien au niveau militaire que logistique – d’un vaste plan de lutte contre la recrudescence des narcotrafiquants dans le golfe de Guinée, mais aussi contre l’organisation terroriste Al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI). Ce plan est concocté depuis des mois à Stuttgart, en Allemagne où se trouve le quartier général du dispositif américain Africom. En attendant, les Etats-Unis, qui poussent le Nigeria à mettre sur pied une force d’intervention militaire sous pavillon de l’Union africaine (UA) pour intervenir en Côte d’Ivoire, pourraient geler le décaissement de 120 millions de $ du plan d’urgence du président américain pour la lutte contre le sida (PEPFAR), mis à la disposition de la Côte d’Ivoire. Des pressions sont par ailleurs exercées sur les groupes américains présents dans le pays, qui dominent le secteur cacaoyer, afin qu’ils stoppent tous leurs projets. Les deux géants du cacao Cargill et ADM ont renforcé leur dispositif de sécurité. Le personnel non essentiel de Cargill a ainsi été rapatrié aux Etats-Unis.
Zedu veille sur son petit frère ‘’Laurent’’
Dans sa lutte pour garder le pouvoir, Laurent Gbagbo s’appuie sur ses amis angolais, avec le très discret Ghana comme base arrière. Décryptage.
Depuis le second tour de la présidentielle du 28 novembre, la diplomatie de jour – comme de nuit – accompagne la crise ivoirienne. Aux communiqués officiels de la communauté africaine – Cedeao et Union africaine en tête – dénonçant la victoire à la Pyrrhus de Laurent Gbagbo, répondent les soutiens tacites venus du continent pour permettre à ce dernier de tenir. Du moins à court terme. Outre les dizaines d’éléments (y compris des anciens de l’Unita de Jonas Savimbi) installés à partir de 2005 par le Général John Marques Kakumba pour former la garde rapprochée du Président Gbagbo, plus de 300 soldats angolais auraient débarqué mi-décembre au Ghana. Eduardo Dos Santos, dont les hommes ont été fermement maintenus autour du palais présidentiel à Abidjan malgré la crise, a également assuré son ami ‘’Laurent’’ de la possibilité d’utiliser l’Angola pour contourner un éventuel embargo économique imposé à la Côte d’Ivoire. Accra aurait également accepté d’accueillir sur ses bases, trois avions de chasse angolais. Pour ces bons offices, ‘’Zedu’’ a assuré son homologue ghanéen, John Atta-Mills, de la fourniture de plusieurs blindés pour sa propre garde présidentielle. C’est déjà Noël ! Il faut dire que John Atta-Mills a une dette vis-à-vis du président sortant de Côte d’Ivoire. Invité très remarqué à son investiture début 2009, Laurent Gbagbo a soutenu son homologue durant sa campagne électorale. Y compris financièrement.
Selon nos sources, le fondateur du Front Populaire Ivoirien (FPI) a remis plusieurs financements à John Atta-Mills via le pasteur Moïse Loussoukou Koré et certains intermédiaires togolais, dont Carlos Freitas, fils d’Horatio Freitas, ancien ministre des Sports de Gnassingbé Eyadema. En mais 2009, Atta-Mills était en visite à Abidjan pour son premier voyage officiel à l’étranger. Par ailleurs, ‘’Zedu’’ a téléphoné à Paul Biya, le 19 décembre, pour que le chef de l’Etat camerounais autorise le transit d’un avion militaire en direction de la Côte d’Ivoire, ce qu’il a accepté. Le lendemain, un appareil AN-123.1 s’est posé à Yaoundé. Il aurait servi à transporter une centaine d’hommes de la Division des opérations spéciales angolaise (DOS).
Enquête : La crise ivoirienne
Ces lobbyistes qui votent Gbagbo III à paris
Plus les pressions pèsent sur le président sortant, plus il fédère autour de lui plusieurs lobbyistes français venus d’horizons très divers.
Pendant que Simone, entourée de ses fidèles pasteurs évangélistes, jeûne et prie chaque soir à la résidence présidentielle de Cocody, son époux Laurent Gbagbo a décidé de passer à l’offensive, en appelant quelques fidèles lobbyistes français à la rescousse. Il réussit même l’exploit de mobiliser à Paris parmi tout l’échiquier politique ! Des souverainistes aux ex-socialistes en rupture de ban, en passant par les ‘’anti-sarkozystes’’ de l’UMP, ils se retrouvent pour évoquer les fraudes qu’aurait perpétrées le Rassemblement des houphouëtstes pour la démocratie et le développement (RHDP) d’Alassane Ouattara.
Ces partisans, souvent des has been de la politique, sont de plus en plus visibles dans les médias français et sur Internet. Le 20 décembre, l’ami de toujours Guy Labertit, ancien ‘’Monsieur Afrique’’ du PS, a qualifié Nicolas Sarkozy de ‘’caporal’’ sur les ondes de RTL suite à l’ultimatum adressé par le chef de l’Etat français depuis Bruxelles. Au même moment, le conseiller ‘’spécial’’ de Gbagbo, il devait intervenir lors d’une conférence de presse à l’invitation de l’Association de la presse panafricaine (APPA) sur le thème ‘’comprendre la crise ivoirienne : enjeux et interférences géostratégiques’’. L’ancien conseiller de Jacques Chirac, Jean-François Probst, qui estime que Gbagbo est ‘’plus proche de Nelson Mandela que du président zimbabwéen Robert Mugabe’’, est également très actif, notamment à partir de la radio Kernews, en pointe pour défendre le président sortant. Cette radio a été fondée par le journaliste et lobbyiste proche de l’UMP, Yannick Urrien.
Sucaf stoppée par Olam en Côte d’Ivoire ? La branche sucre du groupe français Castel, Sucaf, va devoir encore attendre pour la reprise de Sucrivoire, la filiale du groupe Sifca, géant ivoirien de l’agroalimentaire coprésidé par Jean-Louis Billon et Yves Lambelin. Les négociations qui avaient démarré l’an dernier sont pour le moment suspendues. Les dirigeants de Sucrivoire auraient ouvert des discussions exclusives avec le groupe singapourien Olam. Le partenaire de Sifca dans les oléagineux aurait pris des options sérieuses de rachat. L’accord de l’Etat ivoirien, actionnaire à plus de 25 % dans Sucrivoire, est attendu pour conclure l’opération.