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Des crises sociopolitiques, le Nigeria en a connu au cours de son histoire ; à l’instar d’autres pays africains ou situés ailleurs dans le monde sur d’autres continents, certes ; mais la crise actuelle qui frappe de plein fouet le géant africain diffère de toutes les autres, qu’elle a traversées avec plus ou moins de réussite, de même qu’elle n’est pas sans rappeler celle du Biafra, qui fit trembler tout l’édifice nigérian sur ses bases au début des années 60 ; pour la simple raison, peut-être, que de toutes les crises passées, peu d’entre elles auront trouvé des solutions idoines qui les résolvent une fois pour toutes ; le réflexe aura été récurrent d’opposer à de vrais problèmes la fausse solution des ersatz qui font illusion un temps, mais qui, à la longue, se révèlent inappropriées, inefficaces, nuisibles même, et qui surtout dévoilent à l’heure actuelle, dans toute leur laideur la purulence ainsi que la profondeur des plaies qui minent la société nigériane et dont on se demande légitimement quel pansement utiliser et quelle partie du corps social nettoyer en premier.

Indépendant depuis 1960, à l’instar de plusieurs pays africains, le Nigeria, à peine sorti du giron du colonisateur britannique, sombre dans le pétrin de la guerre du Biafra en 1967 : les velléités sécessionnistes des Ibos seront réprimées avec une violence inouïe et si un semblant de réunification est atteint, en 1970, cela se fit après une famine sévère elle-même précédée de sanglants massacres ; au début des années 80, les militaires confisquent le pouvoir et l’assument de manière autoritaire ; leur refus de démocratie conduisent même le Commonwealth à isoler le Nigeria puis à l’expulser de ses rangs en 1995.

Entre-temps, le géant d’Afrique est devenu exportateur de pétrole ; un des pays au monde où l’on expérimente que l’or noir est plus source de malédiction qu’il n’apporte de devises ; ainsi naît le MEND qui estime que la région du delta, en plus de souffrir de la pollution qu’engendre l’exploitation du pétrole, ne bénéficie pas des retombées de la vente de l’or noir. Plus récemment, les conflits interreligieux, qui gagnent en sévérité, opposent dans les régions du plateau central et du nord, chrétiens et musulmans, avec à chaque épisode des morts et des blessés par dizaines au début pour, par la suite se chiffrer par centaines.

Pour ne rien arranger, l’armée, toutes les fois qu’elle reçut mission de ramener l’ordre, agira avec zèle et dépassera les attentes, créant ainsi au fil du temps frustrations et ressentiments tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; le tout cumulé faisant le lit des extrémistes de tous bords, tous aussi déterminés les uns que les autres et presque animés du même désir d’en découdre un jour. Si on ajoute à ce cocktail déjà considérable les dernières exactions perpétrées par Boko Haram dans le nord du pays contre des chrétiens, et si l’on considère la malencontreuse initiative gouvernementale de supprimer la subvention traditionnelle faite des produits pétroliers, on comprend que Wolé Soyinka, le célèbre prix Nobel nigérian, prédise sans sinistrose aucune que son pays, progressivement, s’achemine vers l’abîme.

Reste à savoir qui saura l’en détourner. Goodluck Jonathan pour déterminé qu’il soit, ne semble pas disposer des moyens de sa politique ; plus que malchanceux, le président nigérian donne aujourd’hui l’impression qu’il est fortement désemparé ; pris entre le marteau de la fronde sociale et l’enclume des conflits interreligieux, l’homme ne sait plus vraiment à quel saint se vouer. La faute peut-être à un semblant de fédéralisme qui s’accoutuma du fait que chacun est prince dans son Etat, au risque de se moquer éperdument des décisions de l’autorité fédérale et, partant, de les remettre en cause toutes les fois qu’on l’estimera nécessaire. La faute également à des religieux sans foi ni loi qui exploitent et instrumentalisent à la déraison la naïveté de jeunes désœuvrés auxquels ils promettent ciel et terre pour peu qu’ils massacrent le croyant d’en face.

A l’heure actuelle, on se demande ce qui sauvera le Nigeria de la guerre civile : ces dernières heures, on aura noté que, pour la première fois depuis les attaques de Noël dans la région septentrionale du pays, des musulmans auront fait les frais des représailles de chrétiens, dans le sud du pays ; qui frappera demain, où, avec quelle ampleur, et faisant combien de victimes ? L’équilibre de la terreur est en passe de devenir une réalité, au Nigeria, et la loi du talion, une obligation. Le chaos n’attend pas meilleurs prémices. Il revient peut-être à la communauté internationale d’initier quelque chose qui sauve ce qui peut toujours l’être dans ce pays.

Le silence assourdissant des uns et des autres ne peut avoir pour effet que de délivrer comme un blanc-seing pour commettre des exactions, des tueries, des massacres d’innocents ; sans compter que la violence s’exporte à la vitesse du vent ; on ne voit pas comment la communauté nigériane, forte de ses 160 millions d’âmes, peut exploser sans embraser l’ensemble de l’ouest africain ; sans oublier que le souffle de la déflagration qui peut aller plus loin, beaucoup plus loin qu’on ne peut, aujourd’hui, l’imaginer. Message à qui de droit : évitez de tergiverser plus longtemps !

 


Tag(s) : #Actualités
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