L’AFRIQUE SERAIT-ELLE VICTIME DE SES INTELLECTUELS ?
La Côte d’ivoire n’est pas géographiquement loin de la Guinée. Nous sommes des voisins très liés par nos deux peuples. Houphouët Boigny avait réussi à éloigner son pays des concepts populistes creux qui font le lit des dictateurs. Mais depuis l’avènement de Laurent Gbagbo au pouvoir la Côte d’ivoire emprunte la dangereuse voie de la Guinée avec l’aide complice des intellectuels noirs panafricanistes qui se la coulent douce au bord de la Seine. Tout le décor est planté ou se met en place sous nos yeux.
Premier élément du décor : Comme Sékou Touré à l’époque, Gbagbo se présente comme le défenseur de l’Afrique toute entière, le garant de l’indépendance et de la souveraineté. Il est le messie qui doit achever le combat de Kwamé Nkrumah, de Lumunba, de Thomas Sankara etc. Il est convaincu que son combat est panafricaniste.
Deuxième élément du décor : les intellectuels noirs africains, coupés des réalités de la Côte d’ivoire ont trouvé leur nouveau icône qui dit non à la France. Ils font entendre leurs voix depuis l’hexagone pour soutenir ce « digne fils de l’Afrique ».
Troisième élément du décor : en Côte d’ivoire tous ceux qui ne pensent pas comme le nouveau prophète Koudou sont tués par ses tueurs à gage. La prison est une clémence pour ses opposants. Ceux qui ont eu la chance de lui échapper comme Venance Konan et Tiburce Koffi sont obligés d’aller en exil.
Comme hier certains intellectuels africains sont aujourd’hui entrain de se rendre complices de la naissance d’une autre dictature. Ces grands théoriciens du panafricanisme ont choisi de vivre en Europe chez leurs ennemis. Ils ont même pour certains adoptés la nationalité de leur pays d’accueil. Ils ont décidé de fermer les yeux sur les exactions et meurtres de leur champion. Ils ont choisi de boucher les oreilles pour ne pas entendre les cris de milliers d’ivoiriens victimes du « gbagboisme ». On a beau leur expliquer ce qui s’est passé en Côte d’ivoire ils ne voient qu’une « recolonisation de l’Afrique par l’ONU » comme le titrait Thierno Monénembo, l’écrivain guinéen resté pourtant loin de son pays, en exil pendant des années à cause du régime Sékou Touré. Leur argument : « L’ONU, la France, les Etats-Unis…n’ont pas à désigner le Président de la Côte d’ivoire ». Diantre que font-ils des résultats des élections du 28 novembre dernier ? Calixte Beyala la plus activiste de tous a quitté son Cameroun natal pour élire domicile en France. Elle aurait même pris la nationalité française. Elle est une farouche opposante de la françafrique. Pourtant elle s’est battu corps et âme pour accéder au poste de secrétaire général de la francophonie en se présentant contre Abdou Diouf. Elle utilise les chaînes de télé et radio françaises pour « vuvuzeler » contre la France et l’ONU.
Ici les opposants de Gbagbo n’ont pas le droit de passer devant la RTI, la seule chaîne publique. Cette comparaison ne lui semble pas importante.
Pour ces intellectuels « éclaireurs », même si un conseil constitutionnel a piétiné le droit, on na pas le droit de se plaindre. C’est cela votre conception de la souveraineté ? Dites-moi alors, pourquoi s’être battus contre l’apartheid puisque c’était un régime constitutionnel ?
Chers frères et sœurs, pourquoi ne restez-vous pas en Afrique pour mener le combat du panafricanisme, de la souveraineté, de l’indépendance ?
Je comprends mieux aujourd’hui pourquoi vous êtes si coupés des vraies préoccupations du peuple africain. Par vos prises de positions vous devenez les ennemis de vos propres convictions, de vos aspirations pour le peuple.
Chez nous on dit « si tu ne peux pas m’arranger, faut pas me déranger ». Le peuple de Côte d’ivoire a choisi Alassane Ouattara à 54,10%. Si cela ne constitue pas pour vous l’expression suprême de la souveraineté au-dessus de celle que pourrait octroyer une constitution, alors restez plongés dans vos livres et vos grandes théories à des millions de kilomètres de l’Afrique et laissez nous vivre dans notre néocolonialisme qui imite les démocraties vers lesquelles vous vous enfuyez en France, aux Etats-Unis et autres. Ici au pays nous nous battons de façon quotidienne contre la corruption, la mauvaise gouvernance, la gabegie, le népotisme, la dictature… afin qu’à votre retour vous puissiez bénéficier des mêmes conditions de vie que dans vos pays d’exil.
BAKAYOKO Backys Namory
Président d’AFRIQUE RENAISSANCE