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Le Cameroun, cela est désormais bien connu, entend atteindre à l’horizon 2035 le statut de pays émergent. Pour cela, toutes les énergies disponibles doivent être mobilisées en vue de la poursuite de cette importante ambition. L’un des problèmes de notre pays n’est pas l’incapacité des officines bureaucratiques diverses à produire des projets mirobolants, articulés dans des lois ou des textes réglementaires impeccables au plan formel et technique, mais bien la question de savoir comment ces belles constructions juridiques passent du texte à la réalité, avant de savoir si elles permettent de réaliser efficacement les fins pour lesquelles elles ont été bâties. L’on peut se demander si la production normative dans maints secteurs de la vie sociale ne participe pas plus de la gesticulation politicienne et de l’effet d’annonce, que de la ferme volonté de réaliser concrètement quelque chose. Le modèle saccadé et peu lisible de régulation juridique dont on abuse dans notre pays ne peut être un facteur aidant le Cameroun à avancer résolument vers l’émergence. Ce modèle, problématique, semble illustré par le processus normatif lié au service civique national de participation au développement, dont le départ des jeunes en vacances scolaires et, bientôt, universitaires, offre l’occasion d’un regard critique, tant on peut penser que cette période sera souvent le moment idoine pour la période obligatoire, au cours de laquelle l’on va mobiliser les «appelés»

Le service civique national de participation au développement constitue l’une de ces belles idées des pouvoirs publics, dont le besoin urgent d’effectivité vient toutefois échouer sur un mode lourd de fonctionnement du système juridique et les habitudes peu diligentes du système administratif. Il est institué par la loi du 13 juillet 2007, laquelle a abrogé la loi du 9 juillet 1973 relative exactement au même objet. La mission du service, suivant les termes de l’article 2 de la loi de 2007, est de «contribuer à la mobilisation des énergies pour répondre aux impératifs de développement économique et social du pays et de promouvoir chez tous les citoyens le sentiment national, le sens de la discipline, de la tolérance, de l’intérêt général et de la dignité du travail». Même si cette disposition énumère d’autres aspects des objectifs poursuivis par le service, l’essentiel est contenu dans ce propos général. Propos important, visant à inoculer aux camerounais ce nouveau patriotisme dont le Chef de l’Etat a appelé de ses voeux l’invention, lors de son adresse à la jeunesse le 10 février 2006. De fait, si tout camerounais peut être intéressé par les programmes du service, notamment la participation volontaire aux travaux d’intérêt général, l’élément le plus important est la période obligatoire de 60 jours (période que le Président de la République peut proroger) à laquelle sont astreints tous les jeunes camerounais âgés de 17 à 21 ans, sans que l’on ait du reste distingué entre les jeunes scolarisés et les autres. 

Cette sorte de rendez-vous patriotique national des appelés doit être le moment de cette école de la solidarité, du patriotisme, de l’éthique, du sens du travail. Deux mois peuvent certes paraître courts pour une entreprise aussi ambitieuse, mais il faut bien commencer, quitte à évaluer au regard de la pratique s’il ya lieu de modifier formellement la loi, pour aligner la durée de la période obligatoire sur la durée de 6 mois de la période de volontariat (période qui peut aussi être prorogée), ou de l’ajuster selon le cas par un acte présidentiel. L’article 9 alinéa 3 de la loi de 2007 précise, tant pour les appelés obligatoires que pour les volontaires, que «l’organisation du cadre de vie et l’exécution de travaux sont assurés selon les principes en vigueur dans les formations militaires». Cette précision laisse probablement apparaître une hésitation quant au choix des pouvoirs publics entre un service militaire obligatoire pur et simple, et un service civique obligatoire selon les «principes» militaires, une sorte de petit service militaire ou de service hybride à l’issue duquel l’on reçoit du reste un «certificat» dont il faudra préciser les bénéfices symboliques pour son titulaire.

La loi de 2007 a annoncé de textes pour sa mise en ?uvre, selon la technique du renvoi à la norme réglementaire, laquelle est source de complications importantes sur la route menant à l’effectivité finale de la norme légiférée, effectivité négociée entre de nombreux intérêts bureaucratico-administratifs éventuellement oublieux des objectifs ultimes à atteindre. Les modalités d’application de la loi doivent être fixées par voie réglementaire ; les modalités et conditions de participation et d’encadrement des appelés et des volontaires doivent être fixées par décret du Président de la République ; la création de l’organisme public chargé de gérer le service civique devait se faire par décret du Président de la République ; un texte particulier doit fixer les modalités d’octroi des terrains, infrastructures, installations pour l’organe chargé de gérer le service ; les dons des collectivités territoriales décentralisées et du secteur privé devaient se faire selon des modalités fixées par voie réglementaire ; un décret du Président de la République doit fixer les modalités d’insertion socio professionnelle des appelés et des volontaires ; la gestion des effectifs selon l’âge est déterminée par voie réglementaire ; enfin les dispenses de service civique se font par voie réglementaire. 

Bien que ces renvois n’impliquent pas nécessairement autant de textes, plusieurs choses pouvant être réglées dans un ou quelques textes, il reste que depuis 2007, seul le décret portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence du Service Civique National de Participation au Développement à été signé le 23 décembre 2010, lequel abroge le décret du 12 avril 1979 création l’Office National de Participation au Développement. Les textes traitant des autres questions sont attendus, ce qui fait que la structure créée vit, ou plutôt dort, sur le papier. Avec le modèle normatif utilisé, à savoir l’abrogation des textes antérieurs sans aucune disposition transitoire, et à supposer que l’ancienne structure avait été encore fonctionnelle, l’on serait dans une réelle impasse juridique, avec des textes encore inappliqués ayant abrogé et rendus inapplicables les anciens textes. Où se trouve le problème de la mise en fonction de l’Agence? Nul ne le sait. Est-ce une question d’impréparation administrative ou d’inopportunité politique? Si l’horizon 2035 est pris au sérieux par ceux qui ont conçu la vision d’un Cameroun émergent, une idée aussi positive, concernant l’armement patriotique et éthique de l’élément jeune de notre société, ne devrait pas être davantage différée pour son opérationnalité effective.



Tag(s) : #Politique
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