Martin N’TERRY, artiste Burkinabè, vit aux Etats Unis. Où, parallèlement à son travail, à ses heures perdues, il s’adonne à sa passion musicale : le reggae. Le choix de Martin N’Terry de faire cette musique n’est pas fortuit. Le reggae- man burkinabè est une tête bien pleine. N’Terry fait partie de ces jeunes loups du reggae africain, qui ont leur mot à dire. Pour le bonheur de l’Afrique de demain.
Une Afrique qui a amorcé son combat. Pour sa libération économique, dont des prémices illustrent et illuminent l’horizon, et donnent des lueurs d’espoir. A travers un éveil de conscience de ses populations. Qui souhaitent, ardemment, dorénavant, prendre son destin en main. Martin N’Terry, est une des valeurs sûres du reggae africain. Il suffit de lire son interview, pour en être convaincu.
*Pourquoi avez- vous choisi de faire du reggae ?
La musique reggae a bercé mon enfance avec ses thèmes sur la justice, la paix, l’amour, ...l’harmonie à l’occasion du « vivre ensemble » entre tous, dans la société. Le Burkina Faso était alors en pleine expérience révolutionnaire, où les thématiques sur la justice, la paix et l’harmonie, étaient en vogue. Voilà comment est né et a été nourri, mon amour pour le reggae.
*Quel message voudriez-vous véhiculer en pratiquant ce genre musical ?
L’objectif des messages que je délivre aux mélomanes dans mes œuvres artistiques, touche à la revendication d’un monde de justice véritable, fondé sur l’équité et le respect de la différence, par la tolérance, pour l’avènement de la paix entre tous, dans un amour fraternel. Car au-delà de nos différenciations pigmentaires, et de nos différences culturelles, nous demeurons ici-bas, des frères en humanité.
*Votre reggae était à quel niveau avant votre départ aux États-Unis ?
Avant d’immigrer aux États-Unis, j’avais délivré deux albums : « CAN 1998 » et « SOPHIE ».
Comme l’indique son nom, « CAN 1998 », le premier catalogue de sons a été publié, à l’occasion de la tenue en 1998, au Burkina Faso, de la Coupe d’Afrique des Nations de football. L’hymne de cette édition de la CAN, j’en suis, au passage, l’auteur. Des compositions en « Mooré » (une des langues nationales burkinabè) dédiées à l’équipe nationale de football du Burkina, « LES ETALONS », trônent en bonne place, naturellement, dans cet album.
Au regard du contexte de sa livraison, l’album « CAN 1998 » a tenu toutes ses promesses, me permettant de me révéler aux mélomanes, pour ainsi poser les premiers jalons véritablement professionnels de ma carrière musicale.
C’est dans cette occurrence fertile, que l’album « SOPHIE » survient en 1999. Le titre « SOPHIE », qui a donné son nom à ce cocktail de sons, a été composé en hommage à ma mère, et partant, à toutes les mères du monde, grâce à qui l’humanité existe. Le succès s’offre à ce second album, encore une fois.
Les sollicitations pour des scènes fusent, me conduisant à me produire un peu partout sur le territoire burkinabè. Et c’est ainsi que je me suis risqué, à trouver résidence dans la plus grande salle de spectacles, en son temps, du pays, la mythique « Maison du Peuple ». L’essai est un franc succès avec une salle pleine à craquer de mélomanes sortis massivement pour l’évènement.
En plus de scènes au Burkina, j’en ai partagé avec d’autres confrères reggae men Africains, tels : Tiken Jah Fakoly et Fadal Dey, pour ne citer que ces deux artistes.
*Comment voyez-vous le reggae aux États-Unis ?
Les États-Unis sont le lieu par excellence pour les Jamaïcains qui émigrent. Une situation qui a permis l’émergence au pays de l’oncle Sam, d’une forte communauté d'habitants de cette île des Caraïbes, qui doit sa renommée dans le monde à…Bob Marley, le roi incontesté du reggae. En son temps, Bob s’y était produit en concert live, devant des milliers de personnes. En considérant ces réalités, la popularité du reggae aux USA va de soi. Le pays abrite de grands studios d’enregistrements, où travaillent de grands techniciens du reggae, Jamaïcains, pour la plupart. Cette musique s’y porte ainsi donc très bien.
Cependant, côté reggae à la sauce typiquement africaine, seules les grosses pointures du continent, y jouissent d’une audience notoire ; c’est le cas de Feu Lucky Dube, et d’Alpha Blondy, qui y tourne régulièrement pour se produire. Pour le gros du lot de reggae Makers Africains, la conquête se fait timidement.
*Depuis 2001, vous êtes aux États-Unis. Comment se porte votre musique reggae aux USA ?
Vous savez aux USA, je ne vis pas de la musique. J’ai un travail que j’exerce, qui absorbe l’essentiel de mon temps. La musique qui est une passion pour moi, je ne m’y adonne qu’en parallèle de mon occupation professionnelle principale, en m’arrangeant pour aménager du temps qui me permette de faire de la musique.
C’est dans cette ambiance que courant 2003, j’ai fait la connaissance du producteur ivoirien, José Touré, grâce à qui j’ai créé un groupe avec lequel je me produis régulièrement depuis cette date un peu partout (New York, New Jersey, etc…) au pays de l’oncle Sam.
J’ai ainsi joué en première partie aux concerts des grands frères : Alpha Blondy et Ismaël Isaac.
Lorsque j’ai emménagé à Seattle en 2005, j’ai créé mon propre groupe « BÉNÉRÉ BAND », qui m’accompagne lors de mes prestations.
J’ai produit dans le même temps, deux autres albums, dont la sortie officielle s’est effectuée, à la fois aux USA chez SAMASSA RECORD, pour le format Compact Disc (CD), et en ligne, avec CD BABY, qui est une structure de Portland, spécialisé dans la vente en ligne de musiques.
*Quand vous venez au pays. Vous sentez que quelque chose a bien
changé, au niveau de votre reggae ?
Si vous faites ici allusion à ma côte d’amour au niveau des mélomanes burkinabè, depuis mon installation aux États-Unis, au début des années 2000, je suis moi-même surpris de sa montée significative, malgré mon éloignement du pays. Les manifestations d’intérêt à mon endroit sont multiformes, qui se vivent à chacune des fois que j’y séjourne. C’est surtout à l’occasion de mes prestations scéniques, que la grande affluence pour me voir me produire, démontre ce grand amour du public burkinabè pour moi. Pour cela, je profite de votre tribune, pour lui traduire ma profonde gratitude. Je tâcherai de mériter cette confiance en moi placée par ce public que je sais vrai, en ce qu’il est sincère dans son amour qu’il voue aux artistes, en qui, il a choisi de placer sa confiance.
*Si un jour vous rentriez au Burkina, que comptez-vous réaliser pour faire honneur à votre pays ?
J’ai pas mal de projets artistiques pour mon pays, le Burkina Faso, où, je suis en ce mois d’avril 2023 aux fins de commencer à les concrétiser de façon graduelle.
En introduction, il sera délivré en ce mois d’avril 2023, un album concocté depuis les USA, sous la direction technique du grand arrangeur ivoirien, véritable figure de proue, dans le microcosme musical reggae de l’Afrique subsaharienne, Mr Georges KOUAKOU. Ensuite, j’ai fait débarquer des États-Unis, du matériel complet pour installer un studio d’enregistrement. L’objectif de ce projet, c’est d’offrir aux artistes musiciens burkinabè, un accès à ce que généralement, ils vont rechercher en Occident, pour booster leurs sons. Une place de choix y sera faite aux musiciens en herbes, dont la plupart, pleins de talents, peinent à se faire produire, faute de moyens. Avec ce studio qui sera installé, une chance supplémentaire leur sera ainsi donnée, pour se révéler au public, dans l’espoir, je l’espère du fond du cœur, de pouvoir un jour, vivre de leur passion pour la musique.
*La politique, ça vous dit quelque chose ?
La réponse à cette question coule de source, quand on considère le genre musical, reggae, que je pratique, en ce sens que ce genre musical, est par essence, revendicatif par la dénonciation des maux générés, à l’occasion du « vivre ensemble » dans la société. Si bien qu’il est impossible de faire du reggae sans faire de la politique. Et lorsque l’on considère la politique dans son acception large, en tant que toute action, dont l’objet touche à la gestion de la cité commune née, à l’occasion du « vivre ensemble », eh bien, il est évident, que tout le monde fait de la politique, même si on n’en a pas toujours conscience.
Malgré cette implication constante de tous, en politique, les conséquences liées à la façon de faire la politique, par moments, m’inspire beaucoup de méfiance, à l’égard de cette matière.
*Le Burkina a décidé de prendre en main son destin de défense. Qu'en dites-vous ?
Hum…sans m’étendre dans un développement dans la réponse à cette question, j’aimerais juste attirer l’attention de tous en Afrique, que personne ne viendra se substituer à nous, pour prendre notre destin en main, dans notre intérêt à nous Africains ! Que ceux qui baignent dans l’illusion du contraire de cette règle implacable, se réveillent, avant qu’il ne soit trop tard. Parce que l’occident n’a que des intérêts à défendre, et se fiche de la philanthropie !
*La politique européenne en Afrique. Qu'en dites-vous ?
Vous savez, il est ahurissant de noter qu’un État aussi minuscule en taille géographique comme la France, règne, en imposant sa volonté à un ensemble d’États en Afrique, dont un seul d’entre eux, le noie au plan superficie. Et ce, en dépit du lourd tribut que nous Africains, avons payé pour que s’affirme la liberté et la prospérité socio-économique de cette même France.
Soixante ans après la célébration de l’Indépendance de nos États, anciennes colonies de la France, l’enfumage qu’a été cette accession à la Souveraineté Internationale de nos pays, révèle toute sa laideur avec l’état piteux, où nous sommes, pendant que nos sous-sols débordent jusqu’à la surface, de richesses minières et (.. ), que l’ensemble des États dits « Super Puissances du monde » ne disposent même pas du dixième dans le monde.
Réalisée par JUSTIN KASSY