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Félix Houphouet-Boigny

 

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Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara entourant Laurent Gbagbo qui braque la présidentielle en Côte d'Ivoire
Le 24 décembre 1999, en Côte d'Ivoire, un coup d'État militaire renverse le président Henri Konan Bédié qui avait succédé six ans plus tôt à Félix Houphouët-Boigny, le père de l'indépendance.

C'est la consternation dans le monde. Après quatre décennies de stabilité politique et de relative prospérité, la Côte d'Ivoire, présentée comme un modèle de développement pour les autres États du continent noir, sombre à son tour dans le chaos.

Descente aux enfers

Après la mort du «Vieux» (Houphouët-Boigny), le 7 décembre 1993, son successeur Henri Konan Bédié a le plus grand mal à se maintenir au pouvoir.

Pour remporter les élections présidentielles face à son rival Alassane Ouattara, un rival d'ascendance étrangère, il n'hésite pas à brandir le concept d'«ivoirité» et à réveiller la xénophobie. Le gouvernement français, qui conserve un pouvoir de pression très important sur les dirigeants ivoiriens par le biais de l'aide financière, s'abstient toutefois d'intervenir. C'est ainsi que la démocratie voulue par François Mitterrand débouche ici comme ailleurs sur des conflits communautaristes.

Malgré ses atouts agricoles, la Côte d'Ivoire s'enfonce dans la crise sous le régime particulièrement corrompu du nouvel élu.

Aussi la communauté internationale accueille-t-elle avec résignation le coup d'État du général Robert Gueï. Il met en place un gouvernement de transition qui réunit des représentants de tous les partis. Mais, en avril 2000, il exclut du gouvernement les représentants du Rassemblement des républicains, le parti d'Alassane Ouattara.

Ce dernier a brillé comme Premier ministre de Houphouët-Boigny et haut fonctionnaire international. Déjà écarté des élections présidentielles de 1995, il est le rival le plus sérieux du général putschiste. Originaire du nord du pays, il a des liens familiaux avec le Burkina Faso voisin. Pour l'évincer, Robert Gueï fait approuver par référendum une modification de la Constitution qui impose à tout postulant à une élection d'être de père et de mère ivoiriens !

La ficelle est grosse. Elle a surtout le tort d'exciter les passions xénophobes et racistes dans la foule d'Abidjan.

En octobre 2000, les élections présidentielles se soldent contre toute attente par la victoire d'un leader socialiste, ancien professeur d'Histoire, Laurent Gbagbo. Des affrontements mettent aux prises les militants du vainqueur et ceux d'Alassane Ouattara, qui ne reconnaît pas la validité de l'élection. Les très nombreux immigrés africains sur lesquels repose l'économie du pays sont la cible de pogroms de même que des Européens. Beaucoup commencent à quitter le pays.

Échec du coup d'État

La situation se dégrade brutalement dans la nuit du 19 septembre 2002 où de violents combats éclatent à Abidjan. Les nordistes et les partisans d'Alassane Ouattara tentent de renverser le pouvoir. On compte 300 morts.

L'armée française, présente sur place en vertu des accords de défense qui lient la France à la Côte d'Ivoire depuis l'indépendance, intervient et sauve le président Gbagbo. Mais la rébellion se propage dans le nord du pays, en majorité musulman et fidèle à Ouattara. On voit apparaître des chefs de bande, en fait venus du Burkina Faso voisin, qui n'ont rien à faire des enjeux électoraux et ne se soucient que de pillages et de viols.

La France, enfin, se décide à intervenir quand les rebelles commencent à progresser vers le Sud. Elle déclenche l'opération«Licorne» mais, plutôt que de défaire les rebelles, choisit de s'interposer entre eux et l'armée hâtivement mise sur pied par Laurent Gbagbo.

Le président dénonce non sans raison l'intervention de puissances étrangères aux côtés des rebelles (Libye, Guinée et surtout Burkina Faso). Il s'indigne que les Français se contentent de s'interposer et ne veuillent pas appliquer les accords de défense. Il les soupçonne de comploter son renversement. Paris, de son côté, minimise les interventions étrangères et rejette toute la faute sur la politique d'«ivoirité» d'Abidjan. La rupture est consommée entre les deux gouvernements.

En utilisant la radio ivoirienne, Laurent Gbagbo excite ses militants contre les Français. Dominique de Villepin, ministre français des Affaires étrangères, est même séquestré et menacé lors d'un déplacement à Abidjan. Il arrive néanmoins à réunir les protagonistes à Marcoussis, au sud de Paris. Le 25 janvier 2003, les chefs de bande font mine de se réconcilier à la plus grande joie de leur hôte. Dominique de Villepin, adepte de la méthode Coué, est seul à croire à la solidité de ces accords.

Sur le terrain, rien ne change. La scission du pays semble se pérenniser. Comme la ligne de démarcation maintient les rebelles en-dehors de la zone de production du cacao, le gouvernement français est tenté de s'en accommoder. C'est compter sans l'envie des uns et des autres d'en découdre. Laurent Gbagbo rumine sa colère contre les Français qui se refusent à le soutenir davantage et laissent les rebelles s'emparer du nord. Un journaliste français, Jean Hélène, est délibérément assassiné par un policier.

Fin de la Côte d'Ivoire

Le samedi 6 novembre 2004, les deux avions de l'armée ivoirienne, pilotés par des mercenaires ukrainiens, décollent de l'aéroport de Youmoussoukro, lourdement armés. Intrigués, les militaires français les voient s'approcher de leur base de Bouaké. Avant qu'ils aient eu le temps de réagir, les avions ont bombardé les bâtiments, tué neuf soldats et blessé de nombreux autres. Au même moment, des véhicules de l'armée ivoirienne foncent sur le tarmac de l'aéroport d'Abidjan et lancent une roquette vers un Transall de l'armée française (sans faire de victime).

À Paris, le président Jacques Chirac a le sang qui ne fait qu'un tour. Il donne l'ordre de détruire au sol les deux avions et les quelques hélicoptères qui composent l'aviation ivoirienne. Le soir même, à Abidjan, à l'annonce de cette attaque, les partisans de Laurent Gbagbo, qui s'intitulent «Jeunes patriotes» (!), descendent dans la rue. C'est la chasse aux Français et plus généralement aux Blancs. Pillages, meurtres et viols.

Dans la première décennie du XXIe siècle, le pays s'installe dans la sécession, les rebelles demeurant maîtres du nord, la partie la plus déshéritée. Le gouvernement, quant à lui, contrôle tant bien que mal le sud et les zones de production du cacao et du café, avec le concours des forces françaises qui font contre mauvaise fortune bon coeur.

La corruption atteint des sommets inégalés même en Afrique. Tous les crédits importants octroyés par l'Occident sont massivement détournés par les dirigeants. Tout se vend, y compris les diplômes. Les pauvres des villes se satisfont des retombées indirectes de l'aide étrangère (petits emplois de service et commerce informel ). La jeunesse ivoirienne ne rêve plus à rien d'autre qu'au statut de «favos», mot qui désigne les fonctionnaires et dirigeants corrompus.

Les élections présidentielles du 31 octobre 2010 ont conduit une nouvelle fois le président sortant à affronter Alassane Ouattara. Exigées par la communauté internationale, elles n'ont eu d'autre effet que d'accentuer la division du pays.

Joseph Savès.
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