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La série de coups d’Etat que la Guinée-Bissau traîne depuis 2003 comme un boulet et à laquelle elle a du mal à se défaire, a été enrichie d’un triste épisode le 13 avril dernier. Ce énième coup de force qui porte une fois de plus la griffe de l’armée bissau-guinéenne est d’autant plus regrettable qu’il tombe comme un cheveu sur la soupe. Le pays était en effet dans une phase assez avancée de son processus électoral dont le second tour allait mettre fin à une de ces nombreuses transitions devenues une espèce de règle naturelle dans cette ancienne colonie portugaise. Un scrutin qui, bien que contesté par l’opposition qui le trouve émaillé de fraudes orchestrées par le candidat favori et par ailleurs Premier ministre, semblait à même de tracer pour la Guinée-Bissau un avenir meilleur.

Le chef du gouvernement, Carlos Gomes Junior, candidat du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), qui a remporté le premier tour avec 49% des voix, était presque sûr de l’emporter au second tour au détriment de son plus sérieux adversaire, Kumba Yala. Ce dernier n’avait été crédité que de 23,3% des bulletins validés et s’était fait le chantre principal du mouvement de contestation des résultats publiés par la Commission électorale. Il a même invité les autres candidats à ne pas battre campagne et donc à bouder le dernier tour de la présidentielle. L’ancien président bissau-guinéen aura donc contribué à exacerber les tensions, offrant par là-même à la Grande muette de son pays une occasion en or pour s’immiscer dans les affaires d’Etat.

Au regard de son rapprochement sûrement pas désintéressé avec une partie de l’armée, il est très tentant de lui attribuer une certaine responsabilité dans ce putsch qui ne rend nullement service à la démocratie bissau-guinéenne. C’est un véritable gâchis, au moment même où le pays était sur le point de renouer avec la gestion démocratique. Le pouvoir renversé a probablement payé le prix de ses ambitions sous forme de projets de réforme de l’armée bissau-guinéenne. Qualifiée de « narco-Etat » par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, la Guinée-Bissau a toujours été reconnue comme un pays gangrené par le trafic de drogue.

Les narcotrafiquants y ont pignon sur rue et les mentors des grands réseaux ont toujours été de mèche avec la hiérarchie militaire. Les officiers supérieurs de l’armée ont donc construit l’essentiel de leurs fortunes en exploitant les failles structurelles du système de défense. C’est ce qui explique donc leur méfiance, voire leur réticence vis-à-vis de cette perspective de réforme que porte celui qui était pressenti pour devenir président.

La junte au pouvoir en Guinée-Bissau, qui n’a pour le moment pas de nom ni de porte-parole ou leader, reproche en effet, officiellement, à l’ex-régime du président par intérim, d’avoir signé un accord secret avec l’Angola pour une intervention militaire en Guinée. En réalité, la présence du contingent angolais en territoire guinéen répond à la nécessité de pallier les tares de l’armée nationale. Une institution plus préoccupée à agir pour protéger les intérêts de ses premiers responsables que pour jouer son rôle de défenseur du pays et des autres institutions.

La réforme militaire telle que l’avait conçue le candidat le plus coté de la présidentielle interrompue, allait pourtant restaurer les missions démocratiques de l’armée bissau-guinéenne. Elle avait en outre pour objectif de renforcer la démocratie en rendant moins vulnérable le pouvoir exécutif qui devait s’autonomiser et échapper ainsi aux pressions des militaires. Il était également prévu un renforcement des capacités de la police et de la gendarmerie, la deuxième étant censée assurer la sécurité de l’exécutif, notamment du chef de l’Etat et du Premier ministre, dans un contexte de démocratie réelle. En revanche, les effectifs de l’armée devaient être révisés à la baisse. Toutes choses qui allaient enfin contribuer à sortir le pays du cycle infernal de gestions intermittentes et alternatives entre régimes démocratiques et pouvoirs d’exception. Cette réforme allait sans doute favoriser la lutte contre le trafic de drogue dont la Guinée-Bissau est l’une des plaques tournantes en Afrique de l’Ouest.

La nécessité du retour de ce pays sur la voie constitutionnelle est donc plus qu’impérieuse, et les institutions africaines et internationales, notamment la CEDEAO et l’ONU, doivent en faire une priorité. La fermeté avec laquelle l’institution ouest-africaine a traité la junte malienne doit être de mise en Guinée-Bissau pour y rétablir l’ordre constitutionnel. Les chefs d’Etat de la sous-région doivent surtout agir le plus vite possible pour empêcher les putschistes d’avoir le temps de s’organiser et également pour éviter qu’ils ne procèdent à l’élimination physique des membres de l’ancien régime arrêtés. Certes, ce sera un front de plus pour la CEDEAO. Mais le jeu en vaut la chandelle.

 

Tag(s) : #Actualités
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