Les péripéties sentimentales des occupants actuels du palais de Buckingham font régulièrement les choux gras de la presse populaire, en Angleterre comme dans le reste du monde occidental.
Mais ne nous y trompons pas, elles ont peu de poids au regard du passé. La famille des Windsor, dont le nom remonte à un siècle, est l'héritière d'une histoire dynastique millénaire qui a connu et surmonté des problèmes autrement plus graves que ceux qu'affrontent les enfants de la reine Elizabeth II.
Monarchie normande puis angevine, la dynastie s'anglicise au XIVe siècle, à la fin du Moyen Âge sans que les différentes branches familiales issues de Guillaume le Conquérant ne cessent de se combattre.
Après les disputes sanglantes entre Henri II Plantagenêt et ses fils, au XIIe siècle, voilà l'abdication du dernier Plantagenêt en 1399 et l'avènement de la maison de Lancastre.
Au siècle suivant, la guerre des Deux-Roses voit l'avènement des Tudors. Après quelques sacrées secousses liées aux émois sexuels d'Henri VIII, ceux-ci laissent pacifiquement la place aux Stuarts à la mort d'Elizabeth 1ère en 1603. Ces rois d'origine écossaise affrontent la seule révolution qu'ait jamais connue l'Angleterre. Après un bref intermède républicain sous l'égide de Cromwell, les Stuarts reviennent au pouvoir mais pour peu de temps.
Mal disposés à partager le pouvoir avec les représentants des Communes, ils sont chassés au profit d'une branche cadette des Stuarts qui accepte bon gré mal gré unrégime parlementaire, embryon de la démocratie moderne. Sa dernière représentante est la reine Anne Stuart.
À sa mort, en 1714, faute d'enfant pour lui succéder, elle laisse la couronne à un lointain cousin allemand, l'Électeur de Hanovre, qui devient roi de Grande-Bretagne sous le nom de George 1er. Lui-même et ses successeurs, mal à l'aise dans leurs nouveaux habits et ne parlant pas l'anglais, s'en remettent au Parlement du soin de gouverner le pays.
Selon un rituel désormais bien établi, le roi appelle à la tête du gouvernement la personnalité choisie par la majorité parlementaire. Il reçoit chaque nouveau Premier ministe pour un entretien privé. Il peut aussi le réinviter de semaine en semaine pour un échange informel et courtois sur les affaires du royaume et les indispensables signatures.
La dynastie de Hanovre est affectée par la maladie mentale du roi George III. En 1811, le roi est contraint de céder le trône à son fils, le Prince de Galles. Cette Régence se solde par un pénible abaissement de la monarchie. George IV, roi de 1810 à 1830, et son frère Guillaume IV, roi de 1830 à 1837, sont débauchés et incapables au point de laisser planer des doutes sur la survie de la monarchie.
Tout bascule avec l'intronisation d'une jeune reine de 18 ans, Victoria, nièce du précédent roi.
Mariée par amour à un cousin allemand, Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, la jeune souveraine plie sa vivacité naturelle aux principes stricts et luthériens de son époux. C'est ainsi que la famille royale donne aux classes moyennes britanniques l'exemple d'une rigueur morale que l'on dira «victorienne». Notons que la haute aristocratie s'en tient dans le secret de ses salons à l'épicurisme hérité de la «Merry England» du siècle précédent.
Sous le long règne de Victoria, l'Angleterre connaît son apogée, jusqu'à dominer l'économie mondiale et faire passer sous l'autorité de la couronne le quart de la population mondiale. En 1876, la reine ajoute à ses titres celui d'impératrice des Indes.
À sa mort, en 1901, son fils, le populaire Prince de Galles, déjà sexagénaire, monte sur le trône sous le nom d'Édouard VII. Avec lui revient un peu de la joie de vivre d'antan. Mais celle-ci est altérée par les premiers signes de déclin de la puissance britannique.
Ce déclin devient manifeste sous le règne du roi suivant, George V, avec l'éclatement de la Grande Guerre. C'est au cours de celle-ci, en 1917, que le monarque change le nom de la famille - Hanovre - pour celui, plus britannique, de Windsor, du nom de sa résidence favorite.
Le roi assume consciencieusement son rôle symbolique. Pendant la Grande Guerre de 1914-1918, il multiplie les visites aux armées et aux hôpitaux, fait des dons et s'astreint aux règles de rationnement comme l'ensemble des citoyens.
Sa succession, en 1936, survient dans un contexte international tendu. L'Italie, qui a envahi l'Éthiopie, est menacée de sanctions internationales et, pour y faire face, tend vers une alliance lourde de menaces avec l'Allemagne nazie. Or, l'héritier du trône britannique est un flamboyant célibataire lié à une femme sulfureuse, Mrs Wallis Simpson, qui fut la maîtresse du gendre de Mussolini et reste proche des milieux nazis. Devenu roi sous le nom d'Édouard VIII, il est rapidement poussé vers l'abdication par le Premier ministre Stanley Baldwin.
La crise se dénoue avec le couronnement de son frère sous le nom de George VI. Le nouveau souverain, bien que timide et affecté d'un fort bégaiement, tiendra son rôle dans l'honneur pendant les heures graves de la Seconde Guerre mondiale. Surmené, il meurt prématurément à 57 ans, en 1952, et laisse le trône à sa fille de 24 ans, l'actuelle reine Elizabeth II. Celle-ci est en passe de battre le record de longévité de son aïeule Victoria, qui a régné 64 ans.
Sous son règne, la famille a connu des moments difficiles avec le divorce des princes Charles et Andrew et la mort de la princesse Diana, mais aussi un regain de popularité avec le mariage de son petit-fils William et de Kate Middleton ainsi que la naissance de leur premier-né, le 22 juillet 2013.
Pour la monarchie britannique comme pour ses homologues d'Europe continentale, le principal défi à venir réside moins dans les péripéties sentimentales (divorces, adultères...), lesquelles ont existé de tout temps, que dans le vieillissement, résultat bienvenu de l'augmentation générale de l'espérance de vie.
Nous risquons de voir, à l'avenir, des grand-pères succéder à des arrière-grand-mères. Pas de quoi ravir les foules... À moins que les Windsor ne suivent l'exemple de Benoît XVI, Béatrix des Pays-Bas ou encore Albert II de Belgique en se retirant avant que les forces ne leur manquent.