La chaîne de télévision qatarie en langue arabe Al Jazeera a lâché une véritable bombe en commençant à rendre publics des documents secrets concernant les pourparlers menés ces dernières années entre Israël et l’Autorité palestinienne. Il y en aurait plus de 1 600, répartis sur des milliers de pages, dont la plupart porteraient le cachet de l’Autorité palestinienne, présentés par Al Jazeera comme « la fuite la plus importante de l’histoire du conflit israélo-palestinien ». De l’avis de tous, ces publications ont pour principal objectif de faire tomber Mahmoud Abbas et la direction actuelle de l’Autorité palestinienne.
Pour le moment, Al Jazeera n’a révélé qu’une partie des documents qu’elle possède et elle compte, dans les jours qui viennent, diffuser d’autres informations provenant de la même source. D’après ceux qui ont déjà été divulgués, on apprend entre autres que l’ancien Premier ministre Ehoud Olmert (Kadima) était prêt à accepter l’intégration de 10 000 « réfugiés » palestiniens en Israël. Arekat aurait, de son côté, donné son accord de principe pour que les Palestiniens reconnaissent qu’Israël est un Etat juif et pour qu’il y ait un échange de populations et de territoires, essentiellement dans les alentours de Jérusalem et dans la vallée du Jourdain.
Côté palestinien, les dirigeants de l’AP auraient été prêts à « renoncer » à une partie de « Jérusalem-Est », comprenant notamment le quartier juif et le quartier arménien. Quant aux quartiers juifs de la capitale situés « au-delà de la ligne verte », les Palestiniens ne les auraient plus revendiqués, mis à part Maalé Adoumim et Har Homa. Cela signifie qu’ils auraient été disposés à ne plus réclamer la souveraineté sur Ramat Shlomo, Neveh Yaakov, Pisgat Zeev et la Guiva Hatsarfatit. Ils auraient même été prêts à débattre de la souveraineté sur le Mont du Temple (Har Habayit) et sur d’autres sites de la ville sainte.
Vu les exigences permanentes des Palestiniens, le fait qu’ils aient renoncé à certaines conditions, selon ces documents, est perçu à tort par la presse comme des « concessions ».
Dans un des documents d’Al Jazeera, l’ancien négociateur palestinien Abou Ala aurait écrit, en juin 2008, que les Israéliens n’avaient pas accepté cette « proposition de compromis ». De son côté, Saeb Arekat aurait déclaré que « les Palestiniens étaient disposés à renoncer à près de 7 % de la « Cisjordanie » et à une partie de Jérusalem-Est ainsi qu’à certains quartiers du Nord de Jérusalem mais qu’Israël n’avait pas acquiescé ».
Dans le dossier, on trouve également la teneur d’une conversation entre Arekat et l’émissaire américain Mitchell, datant de janvier 2010. Arekat aurait dit à son interlocuteur : « Nous avons accepté de donner à Israël le plus grand territoire jamais proposé de la Jérusalem historique mais cette offre n’a pas non plus été agréée. »
Il aurait ajouté : « Nous étions prêts à faire des concessions en Cisjordanie et obtenir un échange de territoires dans la vallée du Jourdain, nous acceptions de céder aux exigences israéliennes et de créer un Etat palestinien démilitarisé. Jusqu’où pouvions-nous aller pour les satisfaire ? »
Dans un autre document, Al Jazeera indique que le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a été informé fin 2008 de l’intention d’Israël de lancer une offensive dans la bande de Gaza. Une allégation qui a été formellement démentie par Amos Guilad, chargé à l’époque de la coordination des opérations israéliennes dans les territoires contrôlés par l’AP. Il a précisé qu’Abbas savait, comme tout le monde, que Tsahal préparait une riposte aux tirs incessants de roquettes sur les agglomérations israéliennes du Néguev occidental.
Reste à savoir pourquoi Al Jazeera a décidé de publier maintenant tous ces documents et s’ils sont réellement crédibles. Certains dirigeants palestiniens mettent en effet en doute leur fiabilité. Quant à Dov Weisglass, qui a été mêlé de près aux négociations depuis de nombreuses années, il a estimé que leur publication était destinée à ébranler la direction palestinienne et celui qui se trouve à sa tête, Mahmoud Abbas».
Un haut responsable palestinien de Ramallah, interviewé par le quotidien Israel Hayom, a réagi en déclarant que « les documents avaient été fournis à Al Jazeera par des personnes qui avaient travaillé dans les équipes d’Arekat, financées partiellement par le gouvernement britannique ». Il a ajouté : « Il s’agit d’une attaque sans précédent provenant du gouvernement du Qatar, encouragé par le Hamas (à travers Al Jazira), contre Abou Mazen pour déséquilibrer son pouvoir et embarrasser l’Autorité palestinienne ». Quant aux documents eux-mêmes, il a estimé qu’ils ne reflétaient que des prises de position et ne parlaient pas d’accords, et que leur contenu était déjà connu. Et de conclure : « Il ne s’agit nullement d’une « bombe atomique », comme Al Jazeera prétend les présenter ».
Dans l’entourage de Tsippi Livni, qui était ministre des Affaires étrangères sous le mandat d’Ehoud Olmert, on s’abstient de tout commentaire. Ses proches ont indiqué qu’elle préférait garder le silence et « veiller à la confidentialité des pourparlers afin de leur laisser une chance d’être relancés et de permettre de mettre un terme au conflit tout en préservant les intérêts nationaux et sécuritaires d’Israël ».