Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le président français Emmanuel Macron n’est, jusqu’à présent, pas allé au-delà d’une « ferme condamnation » du coup d’État au Burkina Faso. Quelle sera l’attitude du nouveau pouvoir devant la présence militaire de la France dans le pays, contestée par la population ?  

Par Aude Darc

Le coup d’État au Burkina Faso a ravivé, s’il en était besoin, le sentiment anti-France observé ces dernières années en Afrique de l’Ouest. Tandis que la situation reste confuse, de nombreux Burkinabé accueillent avec satisfaction le renversement du président Kaboré, exprimant des slogans hostiles à la présence française dans le pays.

La France a besoin du Burkina Faso pour gérer la zone très sensible des Trois frontières. Le pays fait partie du dispositif logistique de Barkhane, le couloir logistique qui va d’Abidjan au Sahel, et qui passe nécessairement par le Burkina.

Le sentiment anti-français n’est pas nouveau. On se souvient qu’en novembre 2021, un convoi militaire avait été bloqué dans les environs de Ouagadougou, une folle rumeur prétendait que les Français armaient les djihadistes…

Pourtant, les liens entre Paris et Ouagadougou étaient loin d’être au beau fixe. Roch Kaboré ne cachait pas sa méfiance vis-à-vis de l’opération Barkhane et refusait que son pays abrite des forces militaires purement françaises. « Barkhane semblait une force conventionnelle à l’ancienne que la jeunesse africaine considère comme un retour à la France-Afrique », commente le politologue Antoine Glaser.  Qui rappelle que de son côté, la France reprochait au président burkinabé de ne pas réformer son armée. « Roch Kaboré a peur de son armée », confiait à ses interlocuteurs le président français Emmanuel Macron, dès 2020.

Dès lors, on peut se demander quel est le rôle de la France dans le coup d’État, d’autant que le nouvel homme fort du pouvoir, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandoaogo Damida, est un officier formé à l’École militaire de Paris.

Selon la lettre confidentielle Africa Intelligence, les officiers et diplomates français travaillaient depuis septembre 2021 à tous les scénarios de prise du pouvoir par des militaires. Tandis que le gouvernement français aurait proposé une « exfiltration » au président déchu, dimanche 23 janvier, avant que Roch Kaboré ne soit écarté du pouvoir. Hypothèse crédible : les forces spéciales françaises en avaient fait de même, en 2014, pour Blaise Compaoré, exfiltré vers les Côte d’Ivoire.

Défiances réciproques

Le président burkinabé aurait refusé. Si l’Élysée a démenti, le rôle ambigu de la France ne manquera pas d’être commenté, ces prochaines semaines. D’autant que les relations entre l’Afrique et la France, à travers le prisme de l’immigration, s’invite dans la campagne des Présidentielles françaises.

Le président Kaboré a toujours marqué une certaine « défiance » vis-à-vis de l’armée, qui était celle de Blaise Compaoré, rappelle Antoine Glaser au micro de France 24.

Le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, chef du Mouvement patriotique pour la protection et la restauration (MPSR, junte)

Or, face à la menace djihadiste, au Sahel, l’armée régulière s’est trouvée démunie et délaissée par le pouvoir. Comme l’État a abandonné le terrain, hors des grandes villes, en matière de sécurité, d’économie…

Dès lors, quel rôle pour les forces armées étrangères au Burkina Faso ? L’armée régulière, même au pouvoir, ne peut pas, à elle seule, combattre la menace djihadiste, tandis que des forces françaises demeurent présentes dans le pays.

Le Burkina Faso héberge toujours la « Task Force Sabre », une unité de forces spéciales françaises basée dans la périphérie de Ouagadougou, qui « intervient régulièrement en appui des positions de Barkhane », comme l’indique pudiquement l’agence AP. Comprendre : qui se charge des éliminations ciblées de djihadistes.

De son côté, la CEDEAO, sans doute peu surprise qu’un coup d’État renverse le régime du Faso, doit désormais composer avec trois pays aux mains d’une junte militaire, le Mali, la Guinée, et le Faso, sans oublier les tensions politiques au Tchad. Le « G5 Sahel », une initiative encouragée par la France, prend une tournure inattendue.

L’hypothèse d’une mainmise étrangère, pas forcément française, sur les destinées du Burkina Faso prend corps. D’autant que la junte au pouvoir est composée de jeunes officiers supérieurs n’ayant aucune expérience de la politique. « La France a besoin du Burkina Faso pour gérer la zone très sensible des Trois frontières », indique le général Bruno Clément-Botté.

Ce consultant en Afrique sur les questions sécuritaires rappelle que le Burkina Faso fait partie du dispositif logistique de Barkhane, le couloir logistique qui va d’Abidjan au Sahel, et qui passe nécessairement par le Burkina.

Au plan diplomatique, le Burkina Faso – et le Sahel dans son ensemble – est un élément de plus des tensions entre la France et la Russie, exacerbées par la situation en Ukraine.

Evgueni Prigojine, un proche de Vladimir Poutine et soupçonné d’être lié au groupe paramilitaire Wagner, a d’ailleurs salué, ce 26 janvier, le putsch au Burkina Faso, signe d’une « nouvelle ère de décolonisation » en Afrique. Des drapeaux russes ont été vus la veille dans les rues de Ouagadougou. Quelle sera la réaction de la France ?

@AD

Tag(s) : #Politique
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :