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De tous les présidents américains, John Fitzgerald Kennedy, le 35e, demeure l'un des plus populaires, malgré la brièveté de son mandat, interrompu par le drame de Dallas, le 22 novembre 1963.

Une famille encombrante

Kennedy est le second enfant d'une fratrie de neuf enfants. Il appartient à une riche et influente famille de Boston, de souche irlandaise.

Ambassadeur à Londres à la veille de la deuxième guerre mondiale, son père, Joseph, soutient le Premier ministre britannique Neville Chamberlain dans sa politique d'apaisement avec Hitler. Winston Churchill, en arrivant au pouvoir, obtient son rappel. De retour à Washington, Joe milite parmi les partisans de l'isolationnisme qui refusent d'engager les États-Unis dans la guerre contre Hitler (parmi eux, le pilote Charles Lindbergh).

Son fils John n'en montre pas moins un réel courage dans la guerre du Pacifique. Lieutenant de vaisseau, gravement blessé, il n'en arrive pas moins à sauver son équipage après une attaque japonaise.

Après le conflit, auréolé de ses faits d'armes, il se fait élire à la Chambre des représentants puis, en 1952, devient sénateur du Massachusetts. Son autobiographie (Profiles in courage) lui vaut le Prix Pulitzer en 1957. Bon connaisseur des affaires internationales, il s'attire en 1957 les foudres du gouvernement français pour avoir déclaré que l'Algérie devait obtenir son indépendance.

Aux élections présidentielles de novembre 1960, John Fitzgerald Kennedy, candidat du parti démocrate, prône un généreux projet sous le nom de «Nouvelle Frontière» (la Frontière désignait aux États-Unis, au XIXe siècle, le front pionnier). Il met en avant également sa séduisante épouse d'origine française, Jacqueline Bouvier, enceinte de leur deuxième enfant. C'est néanmoins d'extrême justesse qu'il est élu, grâce aux tripatouillages de son père Joe et de ses amis de la Mafia.

Avec 120.000 voix d'avance sur 70 millions de suffrages exprimés, il devient le plus jeune président des États-Unis et le premier de confession catholique (notons que le vice-président Theodore Roosevelt avait quant à lui 42 ans et onze mois quant il a succédé en septembre 1901 au président McKinley, assassiné par un anarchiste).

Son rival républicain, Richard Milhous Nixon, vice-président du président sortant, le général Dwight Eisenhower, se montre beau perdant mais n'en jure pas moins de prendre sa revanche. Ce sera chose faite en 1968 avec son élection à la présidence face à Hubert Horatio Humphrey.

La ségrégation raciale en ligne de mire

À l'arrivée de Kennedy à la Maison Blanche, les États-Unis, grands bénéficiaires de la défaite du nazisme, jouissent d'une insolente prospérité mais les rapports entre Blancs et Noirs s'inscrivent encore sous le régime de la ségrégation. Et le parti démocrate, très influent dans le Deep South (Sud profond), y est vivement attaché !

Le nouveau président ne prend pas parti mais confie à son jeune frère Robert le ministère de la justice avec le titre d'attorney general. À ce poste, Bob, très ouvert d'esprit, encourage discrètement les volontaires qui, dans tout le pays, luttent contre la ségrégation en multipliant les «sit in» : Blancs et Noirs mélangés s'attablent par exemple dans un restaurant ségrégationniste le temps qu'il faut pour que le patron se résigne à les servir... ou prenne le risque d'appeler la police (immédiatement suivie de la télévision).

En 1963, la situation devenant explosive, le président prononce un discours solennel pour l'égalité des droits civiques entre Blancs et Noirs. Quelques semaines plus tard, Martin Luther King enfonce le clou en organisant à Washington une manifestation triomphale. Kennedy reçoit avec éclat le leader noir. Le mouvement est désormais lancé. Mais c'est seulement après la mort du président que seront votées les lois abolitionnistes qu'il aura mises en chantier.

Martin Luther King et Robert Kennedy seront l'un et l'autre assassinés la même année, en 1968, le premier le 4 avril au Tennessee, le second le 5 juin en Californie au terme d'une succession de triomphes dans les primaires démocrates en vue des élections présidentielles de la fin de l'année.

Au bord du gouffre

Mais John F. Kennedy est également impliqué dans les pires moments de la guerre froide avec l'URSS, l'actuelle Russie.

En arrivant à la Maison Blanche, il découvre un projet de débarquement à Cuba destiné à renverser le régime pro-soviétique de Fidel Castro.

À l'instigation d'Allan Dulles, un ami de son père qui dirige les services secrets (la CIA, Central Intelligence Agency), il reprend le projet à son compte et c'est l'expédition calamiteuse de la baie des Cochons : les opposants cubains, malgré le soutien logistique de la CIA, sont écrasés par l'armée de Fidel Castro le 17 avril 1961.

Allan Dulles est renvoyé mais l'opinion publique sait gré au Président d'assumer la responsabilité de son pitoyable échec.

À la lumière de cette affaire, les Soviétiques croient pouvoir miser sur la faiblesse du président américain. En juin 1961, à Vienne, le tout-puissant secrétaire général du parti communiste d'URSS, Nikita Khrouchtchev, rencontre Kennedy à Vienne.

Les deux rivaux semblent enterrer la hache de guerre. Ils se serrent la main et donnent au monde l'espoir d'une coexistence pacifique. Illusion... Deux mois plus tard, les Allemands de l'Est, sous protectorat soviétique, érigent un mur en travers de Berlin. La guerre froide rebondit.

L'année suivante, on découvre sur des photos aériennes que les Soviétiques sont en train d'installer des rampes de lancement de missiles à tête nucléaire sur le sol de Cuba, à 200 kilomètres des côtes américaines ! Pour les Américains, cette épée de Damoclès est inadmissible.

Le président Kennedy engage alors un jeu extrêmement périlleux : il ordonne une «quarantaine» autour de Cuba pour empêcher les navires communistes de livrer le matériel destiné aux bases de missiles. Avec ce blocus (un acte de guerre qui ne dit pas son nom), on frôle à tout moment l'incident qui pourrait dégénérer en troisième guerre mondiale.

Américains et Soviétiques négocient pendant ce temps dans les coulisses («On a heureusement affaire à cette époque-là à deux acteurs rationnels qui pèsent le pour et le contre», note l'historien André Kaspi, auteur d'une remarquable biographie de Kennedy).

La tension est à son comble le 22 octobre 1962. Ce jour-là, dans un célèbre discours télédiffusé, Kennedy affiche sa fermeté.

Devant cet ultimatum à peine voilé, Nikita Khrouchtchev s'incline et retire ses fusées (cet échec lui vaudra d'être évincé du pouvoir deux ans plus tard par ses rivaux du Politburo soviétique).

Pour le monde entier, il devient clair qu'aucun des deux Super-Grands n'est prêt à prendre le risque d'un conflit nucléaire. C'est une première faille dans la guerre froide et l'amorce timide de la détente.

Un an plus tard, le 26 juin 1963, à Berlin, Kennedy ne craint pas d'afficher le soutien des États-Unis aux Berlinois de l'Ouest, victimes du blocus soviétique et de l'érection du mur de la honte. «Ich bin ein Berliner», leur lance-t-il du balcon de la mairie.

Une présidence brève mais riche de promesses

Le bilan de la présidence Kennedy ne se limite pas à ses actions en faveur de l'intégration raciale et contre l'URSS.

Dès son arrivée à la Maison Blanche, le président relève le défi spatialdes Soviétiques. Il lance le programme Apollo et fait la promesse d'envoyer un Américain sur la Lune avant la fin de la décennie. Promesse tenue à titre posthume !

Les Américains lui sont aussi reconnaissants d'avoir relancé la lutte contre la pauvreté (un programme qu'il a lui-même qualifié pendant sa campagne de «Nouvelle Frontière») ainsi que d'avoir inauguré des rapports plus équilibrés avec l'Amérique latine, avec en particulier la création de l'Alliance pour le progrès et d'un corps de coopérants volontaires, le Peace Corps.

Mais Kennedy a aussi le douteux privilège d'engager au Viêt-nam les premiers soldats américains. Il y avait 600 conseillers militaires sur place lors de son arrivée à la Maison Blanche ; à sa mort, on y compte 16.000 soldats. Il y en aura jusqu'à 500.000 sous son successeur, Lyndon B. Johnson !

Depuis l'attentat de Dallas, les Américains cultivent la nostalgie du président défunt, associée au souvenir d'une incontestable prospérité et d'une relative homogénéité des conditions de vie.

André Larané
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