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1989, année-charnière ! Avec la chute du Mur de Berlin et l'effondrement du bloc soviétique, d'aucuns se hasardent à prédire la «fin de l'Histoire» et le triomphe universel de la démocratie.

Bercés par ces illusions, les dirigeants européens relâchent leurs efforts et se détournent des priorités industrielles pour ne plus s'intéresser qu'aux questions monétaire et à la lutte contre l'inflation. 

Le sursaut de la décennie précédente - modernisation des entreprises industrielles, investissements publics et militaires - fait long feu. Dès 1993, le Vieux Continent connaît sa première année de récession depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un demi-siècle plus tôt, avec une croissance négative.

Joseph Savès
Dépasser la guerre froide

Le 28 juin 1989, un leader yougoslave, Slobodan Milosevic, appelle les Serbes à affronter leurs compatriotes albanais. C'est l'amorce du conflit qui va déchirer la Yougoslavie deux ans plus tard. 

Cette première guerre sur le continent européen, depuis la chute du nazisme, a été rendue possible par la fin de la guerre froide. N'ayant plus rien à craindre de Moscou, les nationalistes de tout poil se réveillent du Danube à l'Amour, sur la frontière chinoise.

La Communauté Économique Européenne (CEE) en est elle-même affectée. Conçue pour permettre à l'Europe de l'Ouest de résister à la menace soviétique, elle perd sa raison d'être avec la disparition de celle-ci. Qui plus est, la réunification prochaine de l'Allemagne risque de la déséquilibrer de l'intérieur. Quel besoin pourrait encore avoir une Allemagne de 80 millions d'habitants de lier son destin à la CEE ?... 

Le président François Mitterrand entrevoit le danger. Ayant compris qu'il était vain de vouloir empêcher la réunification de l'Allemagne, il choisit de lier celle-ci à ses partenaires de façon plus ferme. Il convainc le chancelier Helmut Kohl de sacrifier le Deutsche Mark au profit d'une monnaie européenne.

Le chancelier accepte sous réserve que ses partenaires n'entravent pas la coûteuse reconstruction de l'ex-RDA (République Démocratique Allemande). Il exige aussi que la future monnaie européenne soit garantie envers et contre tout contre les risques de dérapage inflationniste.

C'est que, depuis l'hyperinflation de l'année 1923, qualifiée d'«année inhumaine», les Allemands entretiennent la phobie de l'inflation et le culte de la monnaie «forte». Ils oublient que c'est la politique de «rigueur» du chancelier Brüning, en 1931, qui a amené Hitler au pouvoir. Ils oublient aussi que la santé du mark est due à la puissance de leurs exportations industrielles, pas à des manipulations bancaires.

Sur la base de ce double contresens, les Allemands imposent que la stabilité de la future monnaie européenne soit garantie par une Banque centrale européenne (BCE) indépendante des pouvoirs politiques et vouée à un seul objectif : brider l'inflation !

Monnaie «unique» ou monnaie «commune» ?

Les Britanniques, invités à s'associer à l'union monétaire, affichent leur préférence pour une monnaie «commune» (et non «unique»). Il s'agit d'une monnaie qui vient en complément des monnaies existantes et sert de référence aux échanges avec le reste du monde.

Les anciennes monnaies sont conservées mais ne servent que pour les échanges à l'intérieur de l'Europe. Leur cours est fixe par rapport à la monnaie commune, selon le principe du SME (Système monétaire européen) créé en 1979, mais un changement de parité reste possible en cas de crise dans l'un des États membres (comme aujourd'hui, en 2012, avec la Grèce). C'est toute la différence avec la monnaie «unique».

Mais l'Allemagne, suivie par la France et ses partenaires les plus proches, fait le choix de la monnaie «unique»,  excluant du coup la participation de la Grande-Bretagne à la zone monétaire. La monnaie unique, l'euro, doit se substituer à toutes les monnaies nationales.

Cette solution paraît mieux à même de combattre l'inflation, en facilitant les comparaisons de prix et de revenus d'un pays à l'autre et, ainsi, en poussant les vendeurs et les producteurs à s'aligner sur les prix les plus bas. C'est du moins un argument ressassé tout au long des années 1990 !

L'union monétaire en chantier

Le 10 décembre 1990, la CEE, qui compte alors douze membres, est remplacée par l'Union européenne et, le 7 février 1992, à Maastricht, aux Pays-Bas, est signé le traité qui doit fonder l'union monétaire.

Entretemps, le monde est entrée dans une nouvelle ère. En Chine, Deng Xiaoping a ressoudé le pouvoir central après les troubles de la place Tien An Men et lancé le pays dans une industrialisation effrénée.  L'URSS a implosé et donné naissance à une quinzaine de républiques jalouses de leur indépendance. Les États-Unis, regonflés à bloc, ont chassé l'armée irakienne du Koweit, avec leurs alliés et la bénédiction de l'ONU. Ils en ont profité pour installer une base militaire en Arabie séoudite, au plus près des champs pétrolifères. Plus près de là, les Yougoslaves commencent de se quereller.

Surprise ! Le 2 juin 1992, le petit Danemark ose rejeter par référendum  le traité de Maastricht. En France, le président Mitterrand est contraint par l'opinion de le soumettre également à référendum.

La campagne s'annonce difficile. Les opposants au traité appréhendent davantage l'affaiblissement de la démocratie que la disparition du franc. Ils ne sont qu'à moitié rassurés par l'article 3 du traité qui prône le «principe de subsidiarité». Ce mot désuet signifie que l'Union doit s'abstenir d'intervenir dans les compétences pour lesquelles les instances nationales ou locales sont plus compétentes.

Les Français approuvent le traité d'extrême justesse tandis que les Danois sont invités à voter une deuxième fois et à l'approuver enfin. Le passage à la monnaie unique est prévu le 1er janvier 1999, la monnaie fiduciaire (pièces et billets) n'étant appelée à disparaître que le 1er janvier 2002.

Le traité met toutefois des conditions drastiques à l'entrée d'un pays dans l'union monétaire : limitation du déficit public à 3% ; dette publique limitée à 60% du PNB. Ces «critères de Maastricht» font l'objet d'un Pacte de stabilité et de croissance en 1995.

Par chance, l'Allemagne est toute entière occupée par le redressement de sa partie orientale. Ses exportations sont en berne et, du coup, ses partenaires, telles l'Italie et la France, bénéficient d'un solde commercial positif. Leur désendettement extérieur en est d'autant facilité et l'État peut sans trop de douleur réduire ses dépenses et ses déficits.

Il n'empêche que, bridée par les contraintes budgétaires, l'Europe connaît dans les années 1990 une croissance économique très faible. Dans le même temps émergent la Chine et l'Inde, avec des taux de croissance d'environ 10% par an.

Au bout du compte, le 1er janvier 1999, un groupe de onze pays («L'Euroland» : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal) voient leurs monnaies fixées à l'euro par une parité fixe. La Grèce le rejoindra deux ans après. Sous les flonflons de l'An 2000, l'Europe entre dans l'inconnu.

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