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En 2012, la zone euro entre en récession cependant que le Royaume-Uni menace rien moins que de quitter l'Union européenne. C’est le dernier avatar d'une succession de choix politiques qui remontent aux années 1970.

Le moment nous paraît propice d’analyser ce phénomène et de tenter d’en comprendre le sens. Essayons-nous à cette écriture de l’Histoire en train de se faire.

La fin des «Trente Glorieuses»

Le tournant se situe quarante ans plus tôt, au terme des «Trente Glorieuses», trois décennies d’expansion démographique et économique qui ont permis à l’Europe occidentale de reprendre sa place sur l’avant-scène mondiale. Le président Pompidou peut encore promettre à ses concitoyens de faire de la France un pays aussi prospère et égalitaire que la Suède… avec le soleil en plus.

Le Japon entre dans le cercle des pays riches, mais il est encore loin derrière les Européens en terme de niveau de vie. Quant à la Chine et la Corée du Sud, plombées par les guerres civiles et les dictatures, elles font partie des pays les plus déshérités de la planète, derrière les États africains nouvellement indépendants. Le petit État d’Israël, fort de sa victoire éclair dans la guerre des Six Jours (juin 1967), démontre l’écrasante supériorité de l’Occident sur les pays musulmans.

Intel, une entreprise américaine, invente en 1971 le microprocesseur. On ne s’en doute pas encore mais la «puce» électronique va bouleverser l’industrie et le monde du travail. Elle va donner naissance à la micro-informatique et déboucher sur l’automatisation massive des processus de fabrication. Mais nous n’en sommes pas encore là…

Les monnaies flottent

Le 15 août 1971, confronté à de graves difficultés monétaires induites notamment par la guerre du Vietnam, le président américain Richard Nixon met fin à la convertibilité du dollar. Son gouvernement renonce à soutenir le cours de la monnaie, fixé précédemment à 35 dollars l'once d'or fin. Cette dévaluation de fait du dollar par rapport à l'or consacre la fin de la stabilité monétaire de l'après-guerre induite par les accords de Bretton Woods.

Les monnaies de tous les pays se mettent à flotter de façon désordonnée, ce qui aboutit en 1973 à l’abandon de la fixité des taux de changes des monnaies par rapport au dollar.

Les gouvernements tentent de stabiliser le cours de leur devise. Le 4 janvier 1973, le gouvernement français s'interdit à lui-même d’emprunter directement à la Banque de France, autrement dit de «faire marcher la planche à billets». Le président Georges Pompidou et son ministre des Finances Valéry Giscard d'Estaing veulent ainsi dissuader l’État de s’endetter ou du moins lui rendre la chose plus coûteuse et plus risquée. Leur objectif est de consolider la croissance économique et d’éviter des sorties de route comme la dévaluation de 1969. Ils vont échouer pour des raisons qu’ils ne pouvaient prévoir...

Bousculée par une succession de secousses géopolitiques et démographiques, l'économie mondiale entre dans une durable langueur, caractérisée à la fois par une rapide hausse des prix, un chômage élevé et une croissance poussive : la stagflation.

La montée de l’inquiétude

Le terrorisme fait son apparition au cœur du monde civilisé, à Milan, le 12 décembre 1969, avec l’attentat de la Piazza Fontana (16 morts). La suite va montrer qu’il ne s’agit pas d’un fait isolé. Le 5 septembre 1972, survient l’attentat des Jeux Olympiques de Munich. C’en est fini de la contestation joyeuse «Peace and Love». Place à la violence et à la peur.

Le 27 janvier 1973, les accords de Paris signent la défaite des États-Unis au Vietnam. Le président Nixon s’engage à retirer ses troupes du pays sous 60 jours. L’amertume est immense aux États-Unis. Le 6 octobre 1973, éclate la guerre du Kippour entre Israël et une coalition arabe. Cette fois, l’État hébreu ne s’en sort pas facilement et, qui plus est, les pays moyen-orientaux exportateurs de pétrole menacent de priver ses alliés occidentaux de pétrole.

Contre-offensive israélienne dans la guerre du Kippour (octobre 1973), DR

Voilà que la même année, dans tout l’Occident européen et également au Japon, les démographes notent un décrochage brutal de l’indice de fécondité. Jusque-là, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la plupart de ces pays se signalaient par une fécondité vigoureuse, avec en France, par exemple, près de trois enfants par femme en moyenne, soit davantage qu’en Afrique du Nord aujourd’hui. Les indices de fécondité chutent plus ou moins brutalement au-dessous du seuil de renouvellement de la population. Les Pays-Bas et le Québec sont parmi les plus touchés.

Ce phénomène est décisif et troublant car il échappe pour l’instant à notre compréhension. Il se double d’une très forte poussée de l’immigration du «tiers-monde» vers l’Europe occidentale.

En 1974, pour la première fois depuis mille ans, l’Europe a un solde migratoire positif. Il s’agit essentiellement d’une immigration familiale car, dans le même temps, l’économie s’essouffle et le chômage s’enflamme de sorte que les gouvernements, à la hâte, prennent des mesures pour freiner l’entrée de travailleurs.

Jusque-là, selon le principe de la «noria», des jeunes travailleurs venaient s’employer dans les usines françaises et européennes. Au bout de quelques années, ils rentraient chez eux et passaient le relais à leurs cadets ou leurs enfants. Désormais, alarmés par les lois restrictives sur l’immigration, ils choisissent de faire souche et font venir leur famille. De l’immigration de labeur, on passe à une immigration de peuplement.

Horizon sombre

La décennie s’achève dans la morosité. La Chine, après la mort de Mao Zedong en 1976, menace de se déchirer à nouveau. C’est en définitive un hiérarque de plus de 60 ans qui l’emporte, Deng Xiaoping. Les observateurs prédisent au pays un avenir des plus sombres. L’URSS de Brejnev se lance dans la guerre en Afghanistan tandis que, dans l’Iran voisin, le shah est renversé par la première révolution islamiste. En Indochine, après le départ des Américains, voilà que les Vietnamiens entreprennent une courte guerre contre leur voisin chinois cependant que le Cambodge connaît le troisième génocide du siècle.

L’Afrique ne se porte guère mieux. Les espoirs nés des indépendances s’envolent au gré des crises : après la guerre du Biafra, en 1967, le coup d’État d’Idi Amin Dada en Ouganda, le renversement du président Tsiranana à Madagascar et celui d’Haïlé Sélassié en Éthiopie… Peu à peu s’effilochent les structures étatiques créées par les colonisateurs.

L’Occident, quant à lui, entre bel et bien dans la plus grave crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale, avec en sus un deuxième choc pétrolier, occasionné par la crise iranienne, en 1978.

Les Britanniques, après plusieurs décennies de léthargie, avaient cru trouver la martingale avec l’exploitation du gaz de la mer du Nord. Ce gaz se révèle un cadeau empoisonné… Inévitablement, il se substitue aux produits manufacturés dans les exportations. À quoi bon, en effet, payer ses importations avec des biens industriels quand on peut le faire plus aisément avec du gaz ?

Le Royaume-Uni, un siècle plus tôt, dominait l’économie mondiale comme aucun autre pays avant lui grâce à sa puissance industrielle et à ses exportations. Il voit désormais celles-ci fondre comme neige au soleil tandis que ses usines ferment ou sont vendues à des étrangers. En France, même si la situation n’est pas aussi inquiétante, le nombre de chômeurs passe en une décennie de 200.000 à près d’un million.

Le 13 mars 1979, plusieurs pays continentaux de la Communauté européenne (ancêtre de l’Union européenne) fondent le Système monétaire européen (SME) pour limiter les fluctuations des devises.

 

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